Les toiles de la Tente de la Survie claquent dans la nuit. Un sacré blizzard souffle alentours. Recroquevillés les uns contre les autres, les naufragés de la nuit ont trouvé refuge dans cet abri chauffé engoncé dans la neige,.
Un froid mortel
Les Tentes de la Survie ont vu le jour en 2007. De façon impromptue, sans véritable réflexion, simplement une nécessité urgente à répondre aux trop nombreux décès des sans-papiers sans-abris tués par la mort blanche, se rappelle Andreï Chapaev, responsable des actions humanitaires, et l’un des piliers de Nochlechka depuis plus de vingt ans.
La première tente fut installée dans la cour de Nochlechka. L’ONG l’avait rachetée dans un surplus de l’armée.
Face au drame répété chaque saison, en 2008 Nochlechka s’est portée acquéreur d’une deuxième tente puis d’une troisième. Aujourd’hui, elles sont deux à être plantées où l’administration daigne le permettre.
Sans égard
Ce qui a de terrible avec l’administration pétersbourgeoise, explique Andreï, c’est que chaque automne nous devons recommencer à zéro toutes les tractations. Et presque à chaque fois, de nouveaux lieux nous sont attribués.
En 2021, pour l’une des tentes, l’administration a désigné un terrain sur l’île Vassilevski. Mais voilà, le nouvel espace octroyé était celui des rats. Des milliers et milliers de trous à rats ponctuaient le terrain.
La Tente se trouva idéalement installée sur leur piste reliant la mer aux hangars du quartier, leurs lieux de prédilection lorsqu’il fait froid et qu’ils veulent se réchauffer, se souvient encore Andreï Chapaev.
Cet hiver-là fut infernal pour tous les occupants de la tente.
Se mettre en avant
Les Tentes de la Survie ont attiré, parfois, l’attention des politiciens pétersbourgeois. Quand les médias parlaient trop des morts fauchés par l’hiver, quelques responsables politiques de l’administration se manifestaient sur place, entourés d’une armée de caméras et de micros, promettant monts et merveilles. Des promesses très rarement tenues.
Mais en général, comme le sans-abris-sans papiers ne rapporte rien électoralement, cette catégorie sociale est totalement ignorée par les politiciens, que ce soit en hiver, ou en été.
Nochlechka la mue
En 33 ans, les réalisations de l’ONG pour améliorer le sort de ses protégés ont été considérables.
Sous la houlette du président, Grigory Sverdline, Nochlechka se professionnalise.
Après les années de Maxim Egorov où l’aide aux sans-abris représentait en même temps un combat politique, dès 2012 Nochlechka progressivement prend une nouvelle direction, plus pragmatique, plus professionnelle, ouverte sur un monde commercial où se trouve de possibles et importants donateurs. Ce virage ne plait pas à quelques anciens de la première heure qui progressivement quittent l’ONG.
En parallèle, un travail de sensibilisation est entrepris afin que les Pétersbourgeois cessent d’incriminer les sans-abris, que ces citoyens deviennent au contraire des sympathisants de la cause. Et cela marche. Les réseaux sociaux sont mis eux aussi à contribution
Les dons affluent, les bénévoles accourent, Nochlechka se modernise.
Quelques dates du succès
Parmi bien d’autres, quelques moments clés du développement de Nochlechka permettant un meilleur accueil de ses protégés.
En 2017, le Centre d’Accueil a été réaménagé, les murs sont repeints de couleurs chatoyantes, les dortoirs hommes et femmes permettent enfin une certaine privacité, les sanitaires sont devenus digne de ce nom, une salle bibliothèque avec des ordinateurs est ouverte à toutes et tous
En 2018, dans la cour, des douches sont installées, et à quelques pas de l’ONG, depuis 2016 une blanchisserie fonctionne.
En 2019, l’Abri de Nuit ouvre ses portes. 38 personnes par nuit plus un gardien où le sans-abri trouve confort et sécurité. L’abri est équipé de deux douches et d’une toilette aménagée pour les handicapés ainsi qu’une buanderie composée de trois machines à laver et de trois sécheuses.
Août 2020, Nochlechka débarque à Moscou. Installer ce Centre d’Accueil ne fut pas simple. Les bâtons mis dans les roues par le voisinage et par certains politiciens n’ont pas accéléré l’ouverture du centre. Et pourtant, dans la capitale russe, ils sont aussi des centaines de milliers sans-papiers sans-abris à survivre dans des conditions indignes.
A l’instar de Saint-Pétersbourg, Nochlechka Moscou a progressivement mis sur pied de nombreuses actions indispensables à la survie des sans-abris.
En novembre 2020, à Saint-Pétersbourg, des douches pour toutes et tous voient le jour. Une première dans le pays. Ce fut des plus compliqués à réaliser, près de six ans d’efforts soutenus pour venir à bout des obstacles, des mauvaises fois administratives et pour trouver le financement.
En mars 2022, le Café social est inauguré quelques semaines après le départ forcé du président de Nochlechka, Grigory Sverdline, (invasion de l’Ukraine). Ce projet qui lui tenait tant à cœur voit le jour malgré la guerre.
En novembre 2022, le Centre d’Accueil pour sans-abris âgés. Cette catégorie sociale demande une attention particulière. Fort de ce constat, nous savions que notre Centre d’Accueil de Saint-Pétersbourg ne répondait absolument pas aux exigences que nécessitent ce groupe de personnes vieillissantes, invalides parfois.
Pour cela nous leur avons construit un lieu ad hoc, une autre première en Russie.
Aujourd’hui, 33 ans plus tard, les deux Nochlechka se battent becs et ongles pour que leurs multiples aides restent pérennes. Qu’elles ne soient pas affaiblies par la guerre en Ukraine et ses conséquences économiques qui touchent aussi l’ONG.
En 33 ans, Nochlechka a secouru des milliers de destins.
Notre tâche est immense, aidez-nous à sauver des vies.
Important : malgré les embûches du boycott, nous arrivons toujours à transférer votre appui financier.