Être sans-papier sans-abri, survivre dans la rue, ont des conséquences terribles.
Vous savez, fréquemment, pour affronter notre impitoyable réalité, nous ingurgitons des alcools généralement assez frelatés. Il arrive aussi, que nous prenions des produits de synthèse. Très souvent, nous devenons accros, raconte Timofeeus. (nom d’emprunt) rencontré à la réunion annuelle des rescapés de la rue.

Un sacré cocktail
Il y a un an encore, Timofeeus crevotait tant bien que mal du côté de la gare de Ligovo. Là, Timofeeus connu le Bus de Nuit et Nochlechka.
Cela faisait des mois que je végétais dans les environs avec quelques potes d’infortune. Mon quotidien se résumait à ne pas mourir, à tout faire pour ne plus voir la réalité dans laquelle je macérais. Plus que de la nourriture, je pintais des alcools aux provenances douteuses. Nous les récoltions dans les poubelles de restaurants, de la pharmacie de la gare, de supermarchés et même de particuliers, nous mélangions le tout. Le goût était parfois abject mais l’effet recherché fonctionnait : oublier, nous explique Timofeeus.
Je ne sais pas pourquoi mais devant le Bus j’ai compris soudainement que se présentait une occasion unique pour essayer de s’en sortir.
Et c’est ainsi que je me suis retrouvé au Centre de Réinsertion.

Strict quotidien
J’en ai bavé, je peux vous le dire. Vraiment ce ne fut pas du tout facile. Tout spécialement la cure de désintoxication. Quel sale moment mon corps a passé. Que ce fut dure.
De plus la discipline stricte qui nous encadre est un tel changement par rapport à notre vagabondage, qu’elle est pénible d’accepter.
Il arrive que l’on craque, et là il n’y a pas vraiment de deuxième chance, il n’en faut pas beaucoup pour que l’on soit exclu. Il est vrai que sans ces mesures draconiennes, la réhabilitation de nos corps, de nos cerveaux, ne pourrait avoir lieu.
D’ailleurs si Nochlechka était cool avec nos écarts, c’est tout le groupe qui en pâtirait.

S’en sortir
En 2019, Nochlechka a ouvert son Centre de Réinsertion baptisé A mi-chemin.
Ce lieu accueille un maximum de 14 personnes.
Elles y reçoivent soins, gîtes et couverts. La durée maximale du séjour est de six mois. La réhabilitation est basée sur les principes de l’association des Alcooliques Anonymes.
Elle comprend des sessions individuelles et en groupe avec des conseillers en toxicomanie et des psychologues.
Les réunions quotidiennes des participants sont conduites par des consultants ainsi que par d’anciens toxicomanes sans-papiers sans-abris ayant vaincu leur addiction.
En outre, les avocats de Nochlechka aident chaque personne à résoudre ses problèmes juridiques, administratifs, facilitant ainsi son futur retour à un quotidien plus humain.

Pique-nique de l’espérance
A leur sortie, les participants reçoivent un diplôme. Avec l’aide de Nochlechka, souvent un travail les attend, une chambre louée aussi.
Ce dernier weekend d’août 2023, parmi les 110 diplômés sortis de l’institution en quatre ans, une trentaine d’entre eux se sont réunis.
L’ occasion d’échanger ses nouvelles expériences de vie, de se rappeler ce passé si noir et pas si lointain que cela.
Chaque année, Nochlechka organise ce raout, histoire de rassembler les “anciens“, souligne Vika Ursova, responsable des projets de resocialisation et organisatrice de l’événement.
Nous y avons invité des musiciens, mangé des kebabs, nous nous sommes amusés avec des jeux de société. Nous avons communiqué avec une quarantaine d’anciens qui n’ont pu se déplacer
Nous essayons de ne pas perdre le contact avec nos réhabilités. En plus des appels téléphoniques que nous leur passons régulièrement, ces réunions font aussi partie du suivi donné pas notre service social.
Ces liens permettent de savoir comment ils vont, s’ils ont besoin d’aide.
Leurs expériences de réinsertion, leurs témoignages de leur vie actuelle, sont des plus utiles pour affiner au mieux les conseils que nous pouvons donner aux “nouveaux“, dit encore Vika Ursova.

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