Dehors, il gèle, le vent mauvais de la Baltique s’est levé. Les toiles de la Tente de la Survie claque sous ses assauts.
Notre tente se trouve à quelques pas du métro Vassileostrovskaya. Le Bus de Nuit vient de nous apporter Piotr.
Piotr, sans-papier sans-abri, est en mauvais état. Il doit souffrir d’hypothermie.
Bien mal en point
On l’installe à côté du poêle, on le déchausse avec peine, ses pieds sont de vrais blocs de glace. Malgré l’étuve de la tente, Piotr grelotte. Le thé, qu’il avale avec peine, ne semble guère le réchauffer.
On lui quitte sa doudoune usée, sur ses épaules on place une couverture de survie.
Lentement Piotr revient parmi-nous.
Piotr n’a pas de papiers sur lui.
Peu importe, Piotr doit être vu par un médecin. Nous appelons l’hôpital.
En attendant que l’ambulance vienne le chercher, Piotr nous raconte sa funeste mésaventure.
Comme c’est difficile de survivre
Des paroles fragmentaires, hachées, Piotr tremble toujours, le choc thermique certainement.
Voilà déjà quelques temps que je suis tombé malade, le froid, l’humidité, pas grand-chose à se mettre sous la dent.
Mon refuge la gare de Finlyandsky, au moins c’est chauffé. J’essaye de trouver un boulot, mais rien.
Un soir les flics débarquent et sans ménagement nous balayent tous, ” tous dehors les sans-abris ” qu’ils hurlent.
Ma nouvelle demeure, je la trouve sous une rampe d’escalier.
Au moins je suis à l’abri de la neige, de la pluie. Mais quel froid !
En journée, j’erre à la recherche de nourriture, les poubelles derrière les restaurants sont parfois de bons garde-mangers.
Les jours passent, et puis je ne me souviens plus très bien, la fièvre, la maladie, comment est-ce que je suis arrivé chez vous, dans cette tente, aucune idée ?
Hospitaliser un sans-papier sans-abris, une prouesse
Piotr a été emmené à l’hôpital.
Ce ne fut pas facile de persuader les infirmiers. Nous avons dû leur dire que s’ils ne s’exécutaient pas, nous les poursuivrions et qu’à l’hôpital, ils devaient s’assurer que Piotr serait pris en charge tant bien même qu’il n’avait aucun document.
Bien évidemment nous avons vérifié que Piotr fut bien hospitalisé.
Indispensable précaution car trop souvent le sans-abri, faute de papier d’identité, est simplement oublié à l’extérieur de l’établissement médical.
Nous avons appris que Piotr souffrait d’une thrombose, qu’avec le froid il ne s’en était pas rendu compte.
Mis à l’abri
Aujourd’hui Piotr est remis sur pieds.
Nous l’avons recueilli à notre Centre d’Accueil, le temps de lui retrouver son identité de citoyen russe. Savoir aussi s’il a de la famille. Chercher s’il pourrait être pris en charge par un home pour personnes âgées.
Important : malgré les embuches du boycott, nous arrivons toujours à transférer notre appui financier des plus indispensables.