Quelle chausse-trappe

Il y a six ans, Svetlana a été mise à la porte de son logement rudimentaire, en a perdu sa propiska et s’est retrouvée à la rue.
Un bref résumé qui concerne tant de sans-papiers sans-abris.
Commence alors l’imbroglio pour retrouver son identité administrative, les obstacles sont nombreux, la mauvaise volonté des fonctionnaires légendaire, les arcanes administratives insondables.

Bien des errances
Comme nous le savons, en Russie, un incident de vie, un déraillement social, et c’est très vite la rue et ses dangers qui vous recueille.
Svetlana a survécu longtemps sans Propiska, ce précieux sésame sans lequel vous n’êtes rien. Svetlana a même essayé de récupérer son identité, toute seule, sans se douter des épreuves qui l’attendaient.
Tant bien même qu’elle ait rassemblé les multiples paperasses nécessaires à sa démarche, son initiative est restée vaine.
Après bien des galères, Svetlana a débarqué en 2020 chez Nochlechka.

L’abnégation de nos services
Avant tout chose, comment pouvez-vous prouver que c’est bien vous si vous n’avez pas de papier l’attestant ? Voilà la première difficulté à régler, explique Lisa, notre assistante sociale qui a chaperonné Svetlana tout au long de ce parcours du combattant.
Lisa nous le résume. Le chemin vers la restauration du passeport russe a duré quatre ans et nous nous y sommes mis à trois.
En juin 2021, j’arrive enfin à récupérer le reste des documents nécessaires. En 2022, le dossier est transféré à Tatiana notre spécialiste ” récupération papier d’identité ” et à nos avocats.
Avec Svetlana, ils tentent différents stratagèmes pour prouver qu’elle vivait bien dans la région de Moscou, en obtenant des certificats des voisins et du policier local.
Mais non, rien n’y fait, c’est niet sur toute la ligne. Et le pire c’est que nous ne savons pas pourquoi, donc impossible d’ajuster le tire.

Un univers absurde
Puisque nous errons sans repaire dans cette jungle bureaucratique, poursuit Lisa, nous tentons une autre approche. Nous écrivons une demande au service des migrations de son lieu de résidence actuel, notre Centre d’accueil de Nochlechka. Svetlana est conviée à un entretien.
Et cela marche. En juin 2023, l’identité de Svetlana est établie, les documents permettant d’obtenir la citoyenneté russe sont enfin acceptés.
Pourquoi ce fut un succès ? Nous n’en savons toujours rien. Une chose est certaine, si nous appliquions cette même astuce pour un autre sans-papier aucune garantie que cela fonctionne, tant la logique administrative est opaque.

Une attente incompréhensible
En octobre 2023, la citoyenneté est approuvée et comme promis par le département, le passeport sera très prochainement délivré après quelques derniers contrôles.
Les vérifications s’éternisent. Deux fois par mois, pendant des mois, Svetlana va encore et encore au département pour connaître le pourquoi de cette attente. À chaque fois, la réponse est la même : revenez dans une quinzaine.
Huit mois plus tard, toujours rien.
En juin 2024, nous sommes exaspérés de tant de légèreté, nous dit encore Lisa. En représentation de Svetlana, nous écrivons une demande au Département des migrations de la région de Moscou, les sommant d’une réponse rapide.
Et, c’est un succès. La réponse arrive dès le lendemain. Une semaine plus tard, le passeport de Svetlana, en tant que citoyenne de la Fédération de Russie, est entre ses mains.
Pourquoi ce brusque revirement ? Nous ne le saurons jamais.

Un travail à la Sisyphe
Je suis très fière du travail de Tatiana, Lisa, Andrey. Ils n’ont pas abandonné et ont mené à bien l’affaire, souligne Daria Baibakova, la directrice de Nochlechka Moscou.
Bien sûr, nous sommes en colère, comment est-il acceptable que la demande d’une personne pour un document des plus élémentaires ait pris autant de temps ? Et qu’il faille trois personnes qui travaillent pendant quatre ans pour l’obtenir.
Est-ce que Svetlana aurait pu seule surmonter tant d’obstacles ? Je ne le pense pas, cela demande une telle énergie, de tels efforts sur le long terme.
Oui, pour que le sans-papier retrouve son identité, c’est un gros problème dans notre pays, ajoute Daria excédée

Une lutte de tous les instants
Que ce soit à Saint-Pétersbourg ou à Moscou, nos services sociaux, nos avocats luttent quotidiennement face aux absurdités administratives afin de permettre aux sans-papiers sans-abris de retrouver leur identité, condition sine qua none pour accéder à nouveau à un quotidien plus conforme à un être humain.
Comme nous l’avons lu, dans le meilleur des cas, ces démarches administratives exigent de très nombreuses semaines, voir beaucoup plus.
Plus le délai est prolongé, plus le sans-papier végète dans la rue, plus diminuent ses chances de réinsertion ou simplement de survie.

Notre tâche est immense, aidez-nous à sauver des vies.

Important : malgré les embûches du boycott, nous arrivons toujours à transférer votre appui financier.

 

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