Malgré la complexité du cas d’Olga Nikolaevna et de sa fille Lioudmila Romanovna qui pose bien des questions, leur tragique quotidien démontre une fois encore l’absurdité du système d’enregistrement en Russie tant bien même les quelques efforts entrepris depuis 2011 par les pouvoirs de Saint-Pétersbourg.
Olga Nikolaevna, accompagnée de sa fille Lioudmila, arrive à Saint-Pétersbourg en 1997. Pour cela, elles vendent leurs rares biens qu’elles possédaient à Vladivostok ; une modeste somme en fin de compte qui ne leur permet pas d’acheter un logement à Saint-Pétersbourg. Dans cette ville, elles y trouvent du travail et louent un logement en espérant pouvoir résoudre leurs problèmes de papiers. Mais voilà, la législation a changé et le passeport intérieur est modifié d’autant.
Un nouveau règlement sur l’octroi de l’aide sociale est appliqué. Il s’avère que sans être enregistrées à Saint-Pétersbourg depuis dix ans, elles ne peuvent pas obtenir de retraites. Mais comment s’enregistrer lorsque l’on n’a pas de papiers ?
Un cas compliqué
Face à cette réalité, Olga Nikolaevna réussit à acheter une petite baraque en Ukraine et à accomplir toutes les formalités nécessaires pour obtenir une retraite dans ce pays. Cependant, ces deux femmes continuent de vivre à Saint- Pétersbourg tout en essayant de récupérer leurs droits civils.
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Ce n’est qu’en 2010, grâce à Nochlezhka, qu’Olga Nikolaevna a réussi à recevoir son passeport intérieur russe puis, dans la foulée, une petite retraite de citoyenne russe.
Aujourd’hui, elle a 85 ans et sa santé se détériore. Les soins et les médicaments coutent de plus en plus cher. Lioudmila, sa fille invalide, est à la retraite. Elle ne peut presque plus travailler. Actuellement, l’argent leur suffit à peine pour payer une chambre.
En 2011, Olga Nikolaevna et sa fille Lioudmila Romanovna demandent à être inscrites au Centre municipal d’enregistrement des sans-abri afin de pouvoir obtenir l’aide sociale (transport, soins, médicaments et un logement subventionné). C’est « niet ».
La Commission fonde son refus sur le fait qu’Olga Nikolaevna possède une bicoque en Ukraine.
Extraits de la décision du Comité de la politique sociale :
– La retraite d’Olga Nikolaevna dépasse considérablement le niveau minimum vital de Saint-Pétersbourg. Elle n’a donc pas droit aux payements sociaux complémentaires. De son coté sa fille, Lioudmila Romanovna reçoit un supplément pour sa pension.
– En 2011 elles se sont adressées au tribunal du district de Frounze (où se trouve Nochlezhka) lequel accepte la demande de Lioudmila Romanovna et rejette celle d’Olga Nikolaevna.
– Le Comité est prêt à aider ces femmes âgées et à leur fournir des places dans les institutions sociales de la ville. Cependant, Olga et Lioudmila n’expriment aucun souhait à ce sujet.
De leur côté, les juristes de Nochlezhka estiment que si Olga Nikolaevna possède une espèce de logis en Ukraine, ceci n’oblitère en rien l’absence de respect des droits humains de la part de l’administration pétersbourgeoise.
Pour eux, Olga n’a jamais vécu en Ukraine car la cahute achetée est si vétuste qu’elle en est inhabitable. D’ailleurs le 5 avril 2000, elle a présenté aux autorités une attestation confirmant l’état de sa masure, achetée, rappelons-nous uniquement pour obtenir une retraite même si c’était dans un autre Etat.
Finalement, elles ont été inscrites sur une liste d’attente entre le numéro 11’000 et 12’000. Il est évident qu’aucune d’elles ne sera en vie au moment de voir leurs souhaits satisfaits.
L’absurdité d’un système
Olga Nikolaevna nous donne son point de vue quant à cet imbroglio administratif:
« Je suis invalide, vétéran de la guerre, je suis retraitée. Ma fille est retraitée elle aussi. Notre seule source de revenu est nos maigres retraites, et nous ne pouvons donc pas nous acheter de logement. C’est pour cette raison que nous ne sommes pas enregistrées car depuis 1997 nous louons des chambres « au noir » (sans propiska).
En 2007, nous avons appris l’existence de Nochlezhka. Nous nous sommes adressées à cette organisation où nous nous sommes enregistrées chez eux en tant que sans-abri. En 2011, nous avons contactés l’administration du District Moskovskij, où nous résidons afin d’obtenir les subventions sociales : transport public gratuit, suppléments de retraite, etc.
Notre demande a été rejetée sous prétexte que nous ne sommes pas enregistrées en tant que sans-abri au district de Frounze. Ma fille a tenté, à maintes reprises, d’expliquer aux fonctionnaires que l’attestation de Nochlezhka n’est pas un enregistrement, mais notre demande n’a pas été acceptée.
Ensuite, nous nous sommes adressées à l’administration du district de Frounze où on nous a répondu qu’étant donné que nous ne sommes pas enregistrées au Centre d’enregistrement des sans-logis, nous n’avons pas droit aux aides sociales. Ils nous ont recommandé de nous adresser aux autorités du district Moskovskij.
Combien de temps va durer cette farce? Pourquoi une telle attitude de la part des fonctionnaires ? Pourquoi ce manque d’attention à nos demandes ? Pourquoi n’aident-ils pas des gens comme nous, impuissants et sans défense ?
Inutile d’essayer d’expliquer aux fonctionnaires que pour survivre nous n’avons que nos retraites faméliques, que nous ne touchons aucune subvention, que nous ne sommes pas en mesure de nous acheter un logement, que nous arrivons à peine à joindre les deux bouts, et que nous louons notre chambre pour éviter la rue. L’Etat ne nous aide pas ! »
Même les vétérans sont ignorés
“A cause de ces bureaucrates et du manque d’humanité de leur part, moi Olga Nikolaevna, vétéran, invalide et retraitée, je vais être obligée de devenir une sans-abri et de mourir dans la rue.
N’avez-vous pas honte de me pousser à m’accrocher, une fois par an – le 9 mai – à mes insignes et mes médailles ?
N’avez-vous pas honte de mentir, hypocrites, en prétendant de vous vous occupez des vétérans dont vous vous rappelez l’existence une seule fois par an, le 9 mai. ?
Le Président, le Premier ministre et le gouvernement n’arrêtent pas de proclamer qu’il faut soutenir les vétérans de la guerre et les personnes qui ont subi le siège de Leningrad (Saint-Pétersbourg). Et votre aide où est-elle ? Pourquoi se permet-on de nous traiter de cette façon ?
Je n’ai plus le courage de lutter contre ce système, de demander et de supplier. C’est une humiliation. Je suis une personne âgée mais néanmoins je suis un être humain.”
Voilà ce que déclarait Olga Nikolaevna en février dernier.
Le 11 mars 2012, son combat a cessé. Olga Nikolaevna décède à l’hôpital.
Peut-être épuisée par son vain combat contre l’absurdité administrative où ses désirs de mieux survivre et la froide réalité officielle ne se sont jamais rencontrés