Vous n’êtes plus rien

Des retrouvailles familiales qui tournent mal, un vol à la tire et vous voilà à la rue, sans un kopeck et, pire encore, sans-papier, sans identité.
Vadim, bien malgré lui, en est l’acteur principal, dans le double rôle de la victime d’un malandrin et de règlements étatiques discriminatoires.

Une errance moscovite
Vadim, enseignant, nous raconte ce périple où tout aurait pu très mal terminer.
J’habite Kaliningrad et je suis venu à Moscou pour visiter mon frère Boris que je n’avais pas vu depuis bien longtemps.
Hélas cela n’a pas collé, passé les premiers moments, très vite, nous divergions sur tous les thèmes. Trop d’année s’étaient écoulées, nous n’étions plus que des étrangers l’un pour l’autre. On s’est disputé, Boris m’a mis à la porte et me voilà dans une ville que je ne connais pas, absolument pas. Complétement paumé et encore sur le choc de notre altercation, je déambule sans but, mon sac à dos pesant des tonnes de regrets.
Des heures après, en pleine nuit, fatigué, éreinté je finis par me trouver à la gare de Belorusskaia. Epuisé, je m’assoupis sur un banc, il est passé minuit, peu de monde alentours.

Entraîné dans l’horreur
En sursaut, je me réveille, ils ont ouvert mon sac, je n’ai rien senti, l’argent, les papiers, envolés. Incroyable, je n’ai absolument rien senti. (Il arrive que les victimes de ce type de larcin soient endormies par un spray).
Affolé, éberlué, je fonce vers un gardien, il ne peut rien pour moi. Plus tard, à la station de police, faute de papier, je ne peux même pas enregistrer ce vol. Avec les dernières monnaies qu’il me reste j’appelle mon frère, il m’envoie balader.

Et c’est l’inexorable descente, la découverte de la clochardisation, apprendre à subsister, à tendre la main. Les études et la vie professionnel de Vadim ne sont d’aucun secours. Il faut savoir aussi se défendre. La rue est agressive, la survie impitoyable. Deux mois de galère à crever de faim, de peur, dans une mégapole menaçante.

Le virus n’arrange rien
Nous sommes le 20 juillet, Vadim est au bout du rouleau, ses habits des guenilles. Je pue, nous dit-il, j’ai faim, je tremble de partout, je suis fiévreux et avec ce virus j’imagine le pire.
Sans but, je marche à la recherche d’une pitance, à fouiller quelques poubelles, à dégotter une encoignure pour m’assoupir et je les vois.
Là, devant moi, une file de malheureux, des comme-moi devant une camionnette blanche, “autobus de nuit-Nochlechka” que c’est écrit.
Je m’approche, ils sont entrain de distribuer de la soupe.
Un jeune garçon m’interpelle, me demande si j’ai besoin de quelque chose ?
Vadim a de la chance, c’est la première sortie du Bus de Nuit, il étrenne sa tournée caritative.

Une épouse morte d’inquiétude
Et voilà Vadim pris sous l’aile bienveillante de Nochlechka Moscou.
Dimitry Levochsky, l’un des travailleurs sociaux de l’ONG, s’occupe de son cas. Il appelle la femme de Vadim, Olga.
Oui, Vadim est marié, mais il n’avait plus de kopeck pour lui téléphoner. Deux mois sans nouvelle, Olga désespérée avait bien pris contact avec son beau-frère, en vain et si elle a annoncé la disparition de son mari à la police, rien n’y fit.
Vadim est nourri, porte des habits neufs, sa femme lui envoie un billet d’avion. L’avocat de Nochlechka lui a procuré une carte d’identité provisoire et le voilà qui s’envole, retour au bercail.

L’histoire de Vadim illustre fort bien comme il est si facile, en Russie, pour une simple absence de papiers d’identité, de sombrer dans un univers impitoyable.
D’un moment à l’autre vous n’êtes plus personne.

Notre tâche est immense, soutenez-nous, vous sauverez des vies.

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