Double peine pour Nadezhda Illarionovna, aujourd’hui dans la soixantaine. Le diabète l’a frappée, elle a perdu sa jambe droite et quelques semaines plus tard s’est retrouvée à la rue.
De belles promesses
Nous retrouvons Nadezhda Illarionovna au Centre d’Accueil à Saint-Pétersbourg.
Nadezhda Illarionovna, généralement appelée Nadia, est née à Kirghiz Karakol, non loin du célèbre lac Issyk-Kul. C’est en ce lieu qu’elle rencontre son futur mari, Lenyai. Il l’a convainc d’aller vivre à Saint-Pétersbourg où le quotidien est tellement plus agréable, lui dit-il.
Notre réalité fut nettement moins romantique que celle dépeinte au bord de la rive lors d’un magnifique coucher de soleil, relate Nadia, le sourire amère.
A Saint-Pétersbourg, Nadia travaille dans une coopérative de pêche. Le labeur est pénible. Elle partage deux chambres miteuses dans un appartement communautaire avec Lenya et sa belle-sœur.
Saint Luc de Crimée
Nadezhda Illarionovna perd sa jambe suite à un diabète mal soigné. Un jour, elle a commencé à ressentir des douleurs dans sa jambe droite. Sa belle-sœur lui apporte une icône de saint Luc de Crimée, le saint patron de la chirurgie. Ma jambe cesse de me faire mal, nous explique Nadia. Je ne m’en préoccupe plus jusqu’au jour où je n’arrive presque plus à me déplacer.
Le saint, hélas, n’est pas de ceux qui prodigue des miracles, l’artériopathie est des plus avancée.
La seule solution pour la stopper, l’amputation
Cloîtrée
Nadia ne marche plus, reste au lit toute la journée. Je n’avais plus aucune joie, plus rien ne m’intéressait.
Son mari, déjà bon buveur, désespère de la situation, il se soule systématiquement et un jour ne rentre plus. Nadia ne l’a jamais revu. Sa belle-sœur saisi la balle au bond et lui demande de quitter l’appartement, peu importe son handicap et l’immense peine à se mouvoir.
La voilà à la rue.
Survivre une jambe en moins
Quelle terrible expérience, se remémore Nadia. Ces premières semaines furent réellement cauchemardesques. Moi qui ne bougeais presque plus du lit, qui avais pris énormément de poids, me voilà obligée à me traîner dans les rues. Combien de fois j’ai failli choir sur le sol. Au début je marchais en rasant les murs les utilisant comme support. En quittant l’appartement, j’avais récupéré une béquille, l’une de celle qui vous arrive sous les aisselles.
Clopin-clopant, j’ai appris à la dure à me débrouiller. L’avantage, si j’ose dire d’être ainsi handicapée, est que les piétons ont de l’empathie, facilement ils versent une obole.
Je me reposais sur des bancs, dormais dans des parcs. C’était le début de l’été.
Cela à durer plusieurs semaines jusqu’à ce que j’entende parler du Bus de Nuit. J’y suis allée et là, ils m’ont tout de suite dirigée vers le Centre d’Accueil.
Une nouvelle jambe
Lorsque Nadezhda Illarionovna parle de l’hôpital Maximilien et de son personnel, son visage s’illumine.
C’est dans cet hôpital que Nochlechka m’a envoyée afin que je puisse y recevoir une prothèse et réapprendre à marcher, comme tout le monde.
Je me souviens d’Olga Borisovna, la médecin en thérapie. Quelle magnifique personne. Elle a su me convaincre que je pourrais me mouvoir normalement, sans aide. Elle m’a dit : “Je vois que tu es une femme forte, tu vas y arriver.”
Les médecins, les infirmières ont pratiqué une thérapie physique intense, la phonophorèse, la galvanothérapie et d’autres procédures qui lui ont redonné la capacité de se déplacer de manière indépendante, que Nadia puisse prendre soin d’elle-même.
Le processus de réadaptation a pris plusieurs semaines, souvent ponctué de profond découragement mais j’y suis arrivée. Comme un bébé, les premiers pas furent hésitants, dit encore Nadia.
Aujourd’hui Nadezhda Illarionovna souvent utilise sa prothèse pour jouer, faire rire les autres sans-papiers qui résident au Centre d’Accueil.
Dès que Nadezhda Illarionovna recevra son identité perdue et sa citoyenneté russe, elle pourra toucher sa pension vieillesse et rejoindre un internat pour personnes âgées.
A Moscou, à Saint-Pétersbourg, ils sont des dizaines de milliers de sans-abris, notre tâche est immense, aidez-nous à sauver des vies.
Important : malgré les embûches du boycott, nous arrivons toujours à transférer votre appui financier.