Sans propiska, vous n’êtes rien.
Viktor Costaikin a. 53 ans, il est originaire de Saransk en Mordovie. Viktor a 25 ans lorsqu’il arrive à Gaishina, une petite ville proche de Saint-Pétersbourg. Sa mère, lasse de le voir paresser, l’a prié énergiquement d’y rejoindre son frère et de se mettre au boulot.

Viktor travaille dans la construction, il habite dans une chambre de fonction mise à disposition par l’employeur comme c’est la coutume à  l’époque soviétique. Sa mère décède, Viktor retourne à Saransk. Il vit dans l’appartement familial dont il vient d’hériter. Arrive le grand chambardement des années 90 et de l’ère Eltsine.
En Mordovie impossible de trouver du travail. Il vend la possession familiale pour trois fois rien et les quelques économies sont ravagées par la terrible inflation qui sévit à ce moment là. De plus, Viktor se fait gruger par ces agences intérimaires qui avaient pignon sur rue et proposaient du travail contre forte rémunération et sans aucun résultat.

Viktor part à Saint- Pétersbourg, trouve un boulot de magasinier au salaire correct. Autre crise économique, tout le personnel est licencié. Viktor habite chez un collègue de travail, il n’a aucun papier. Son déménagement lui a fait perdre sa propiska, sans compter qu’on lui a volé son sac où il gardait tous ses autres documents, diplômes, certificats de travail, etc.

Six mois dans la rue et un ressort se casse
Viktor alterne les séjours dans la rue comme sans-abri et des visites chez des amis qui lui offrent l’hospitalité.
« Après six mois d’existence à l’extérieur un ressort se casse et le sans-papier, sans-abri se laisse couler. Manque de sommeil, mauvaise alimentation, mauvaise hygiène, tension violente avec les autres déshérités engendrent un très grand stress. Et sans papier impossible de retrouver une vie normale » nous explique Viktor.
Il ajoute : « Lors de mon dernier séjour dans la rue, il y a deux ans de cela, un camarade d’infortune me parle de Nochlezhka et de son bus de nuit qui parcourt la ville distribuant de la nourriture et des soins de premières urgences. Les bénévoles de cette aide humanitaire m’incitent à me rendre à leur centre. »

Viktor demeure par deux fois à Nochlechka. Le juriste de Nochlechka s’occupe de lui, retrouve une copie de son passeport. Mais pour arriver à cette fin, une liste extensive attend le demandeur : carnet de vaccination, numéro d’identification des impôts, celui des assurances, carnet militaire et peut-être d’autres encore.

« Sans leur aide je n’y serai jamais arrivé »
Viktor précise : « Sans tous ces documents impossibles de trouver un travail qui ne soit pas au noir où l’on est rarement certain d’être payé et où l’on n’a aucun droit. »
Cette procédure a pris neuf mois. La remise des papiers est offerte par Nochlechka est coûte 500 roubles, 17 francs.
Il faut savoir que si l’on n’est pas accompagné par une organisation telle Nochlechka, il arrive  souvent que les fonctionnaires refusent ou demandent des pots de vin. Sans travail, le sans-papiers n’a pas de quoi payer et la procédure peut s’enliser, la restitution prendre des années.

Avec un grand sourire Viktor conclut : « Depuis un mois, enfin tout va bien, j’ai mes papiers et je travaille légalement pour 18’000 roubles (600 francs) dans une entreprise dédiée à la préparation des repas pour un hôpital. Je recherche une chambre pas trop éloignée de mon lieu de travail. Pour l’instant, question de propiska, j’ai l’enregistrement fait par Nochlechka valable onze mois et reconnu par les autorités. Une fois que j’aurai emménagé, l’Etat me donnera enfin cette terrible propiska qui sans elle on est rien. »