Olga l’amnésique

Depuis combien de temps Olga Nikolaevna erre dans les rues de Saint-Pétersbourg ? Elle n’en sait rien, elle a tout oublié, tout, même son nom, ses prénoms, tout.
J’ai choisi moi-même ces deux prénoms, je ne me souviens de rien mais je les aime bien, Olga Nikolaevna cela est agréable à l’écoute, vous ne trouvez pas ?

Le vide
Imaginez un ciel gris, sans relief, plat, cotonneux, mon esprit flotte dans cet espace de brouillard translucide, explique Olga Nikolaevna attablée au Centre d’Accueil.
Alexandra Sandomirskaïa, notre psychologue l’accompagne : Un soir, il y a de cela cinq semaines, les gars du Bus de Nuit ont repéré une silhouette voutée observant à bonne distance la distribution de vivre. L’un des bénévoles l’a appelée, s’est approché, mais elle a fui. La scène s’est répétée le lendemain et le surlendemain. A chaque fois, elle restait un peu plus longtemps avant de disparaître. La quatrième nuit fut la bonne. Notre silhouette ne prit pas la poudre d’escampette. Sans un mot, elle accepta d’approcher le bus, de recevoir de la nourriture, un thé chaud.
Il était évident que cette femme dans la soixantaine n’était pas dans un état normal. Mais impossible de la forcer à suivre les bénévoles du Bus qui voulait l’amener au Centre d’Accueil.
Le manège s’est répété pendant près de dix jours, enfin, une nuit, elle a simplement dit, “je ne me souviens de rien”.

Qui est Olga Nikolaevna ?
Avec beaucoup de patience, nous sommes arrivés à ce qu’elle nous accompagne jusqu’ici.
Le médecin qui l’a examinée parla tout d’abord d’amnésie dissociative. Plus en avant le diagnostic a été reformulé en fugue dissociative. Une personne ne se souvient de rien de son passé. En raison d’un choc provoqué par un événement traumatisant, le cerveau peut “fermer l’accès” aux souvenirs.
Olga ne se rappelle de rien. Où habitait-elle, ce qu’elle faisait, sa famille, rien, absolument rien. Le vide total.
Si l’inconscient cesse d’avoir peur de certains faits, expériences, souvenirs, il est alors possible que la mémoire revienne, un peu, par bribes, entièrement, souligne Alexandra Sandomirskaïa, la psychologue.
Dans ces conditions, quel chalenge d’essayer de trouver sa véritable identité.
Déjà, lorsque nous nous occupons des personnes sans leurs papiers administratifs c’est souvent une galère, dans le cas d’Olga Nikolaevna, vous imaginez.

L’inconnue
Nos travailleurs sociaux et nos avocats ont présenté à l’administration une demande d’identification. Cela n’a pas été du tout facile, les policiers ont tenté de la refuser en raison d’un dossier incomplet…
Pour que l’affaire avance, nous avons dû impliquer le commissaire aux droits de l’homme de Saint-Pétersbourg, le district et même le département principal d’enquête de la ville. Grâce à cela, la demande a finalement été acceptée. Ils ont conclu que l’identité de la personne qui se fait appeler Olga Nikolaevna n’a pas pu être établie. Grâce à cette constatation, on espère que des recherches seront entreprises, que nous pourrons en savoir plus sur Olga Nikolaevna, ajoute encore Alexandra Sandomirskaïa.

Un cas hors du commun
Pour le moins nous l’avons retapée physiquement. Olga Nikolaevna est arrivée dans nos murs dans un sale état, complétement dénutrie, elle souffrait de gale, l’un de ses bras n’était pas d’aplomb, certainement une mauvaise fracture mal soignée.
Comment a-t-elle survécu dans la rue, combien de temps nous n’en savons rien.
La situation d’Olga Nikolaevna illustre au centuple le problème systémique auquel les sans-papiers sans-abris sont confrontés.
Sans Propiska, sans papier d’identité, les sans-papiers sans-abris ne sont rien.

Quelle solution ?
Nous proposons de développer un algorithme grâce auquel il serait possible de délivrer des documents aux personnes souffrant d’amnésie diagnostiquée et à celles nées en dehors d’un établissement médical. Nous pourrions, par exemple, leur attribuer des données personnelles au conditionnelle.
Pour le moins ces personnes sans mémoire auraient une existence administrative, un accès à l’administration et ses prestations. Mais aussi la possibilité louer un chez soi, trouver du travail, etc.
Ce n’est pas complétement utopique. Déjà, selon un schéma similaire, des documents dans la même veine sont désormais remis aux orphelins.

Notre travail humanitaire est immense. Merci de continuer à nous soutenir, nous sauvons des vies.

Important, malgré le boycott bancaire, notre aide financière se poursuit.

 

 

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