Malgré le froid intense, moins dix, ils ne m’ont pas acceptée, m’abandonnant à la rue.
Ils ? Des fonctionnaires gérant l’un des centres d’accueil de Saint-Pétersbourg, ces lieux réservés aux dizaines de milliers de citoyens russes sans-propiska, sans-abris. Centres qui absurdement demandent moultes papiers pour pouvoir y avoir accès.
Un centre d’accueil, maintenant
Katja, 38 ans, a erré toute la nuit pour ne pas crever de froid. Ce n’est que le lendemain qu’elle appris l’existence de Nochlechka et de ses tentes chauffées.
Katja est un bon exemple, si besoin était, de l’importance d’ouvrir des abris de nuit accessibles à toutes et tous tel que le conçoit le projet actuel de Nochlechka.
Battue comme plâtre
Nous avons rencontré Katja à la blanchisserie de l’ONG, elle nous raconte son parcours:
La rue cela me connait, déjà toute petite je m’y réfugiais pour échapper à la violence familiale. J’avais 8 ans, mon plus jeune frère en avait 6, mes parents étaient constamment saouls, à la maison ils nous battaient, presque comme un passe-temps.
Nous vivions dans la peur. Souvent nous nous échappions dans la rue. Malgré tout c’était plus facile, dehors.
Ils nous arrivaient, à mon frère et moi, de ne rien manger pendant deux, trois jours, le pire était le froid.
Orphelins sociaux
De la maltraitance à l’orphelinat il n’y eut qu’un pas, Katja et son frère Ivan y furent placés séparément.
Selon les chiffres officiels russes, 80% des orphelins enregistrés sont ce qu’on appelle en Russie des « orphelins sociaux ». Leurs parents biologiques – en vie – ont été privés de leurs droits parentaux ou s’en sont délestés.
Katja ajoute : j’y suis restée jusqu’à mes dix-huit ans, éloignée d’Ivan dont je n’ai plus eu de nouvelle depuis. Les juristes de Nochelchka recherchent sa trace.
A la sortie de l’institut, je me suis retrouvée assez paumée mais pu, tout de même, louer une minuscule pièce dans un appartement collectif grâce à la loi en faveur des orphelins.
L’article 57 stipule : “Le logement est accordé en priorité aux enfants orphelins restés sans soutien parental ou familial…”
Cet article n’est pas toujours respecté et souvent fait l’objet de trafic entre les autorités tutélaires et quelques propriétaires véreux.
Ce ne fut pas le cas pour Katja, du moins pas tout de suite.
A la rue en plein hiver
J’ai vécu de petits boulots mais j’arrivais à survivre, payer le loyer de ma chambre, me nourrir, jusqu’à ce qu’un jour je retrouve devant elle, mes affaires en vrac. La serrure avait été changée. Les autres locataires ne savaient pas ou ne voulaient pas m’expliquer ce qui s’était passé.
Je me suis retrouvée à la rue, en plein hiver.
Je n’avais plus de papiers d’entité. Ceux qui m’avaient jetée dehors se les étaient accaparés.
Aujourd’hui, je loge chez Nochlechka. Les avocats essayent non seulement que je récupère mon identité administrative, ma chambrette mais aussi de retrouver mon frère Ivan.
Par fois j’accompagne le Bus de Nuit, j’essaie d’aider ceux qui encore sont à la rue.
Mon espoir, ouvrir un refuge pour abriter les enfants dont les parents sont alcooliques afin qu’ils puissent y vivre. Leur donner l’amour qu’ils n’ont pas reçu de leurs proches.
Financez Nochlechka, sauvez des vies. Ce n’est pas un vain mot.