Comment ai-je atterri à la morgue ? J’ai fait une crise cardiaque l’autre jour, la deuxième. Je suis tombé inconscient dans la rue, raconte Ivan passablement euphorique.
On m’a dit qu’une ambulance est arrivée, les ambulanciers ont déclaré que j’étais mort.
Et zou, me voilà à la morgue. Inconscient, je suis resté allongé 24 heures dans une chambre froide, pas si froide que cela car à un moment j’ai eu une envie irrésistible de pisser et je me suis réveillé.
J’ai crié waouh ! papy est vivant ! J’ai tambouriné à la porte. Vous imaginez la surprise du personnel qui dare-dare m’a expédié à l’hôpital, aux soins intensifs. Et tout cela sans-papier.
Le revenant
Ivan est un sans-papier sans-abri de longue date. Les conditions néfastes de la survie ont profondément affecté sa santé. A 77 ans, c’est étonnant qu’il ne soit pas déjà décédé, tué à petit feu par les affres du quotidien.
Ivan passe quinze jours à l’hôpital et à sa sortie il est récupéré par Nochlechka.
C’est au Centre d’accueil pour les anciens de l’ONG qu’il nous raconte son incroyable histoire.
Je devrais être heureux d’être toujours vivant et pourtant, si je devais retourner à la rue, retrouver cette cruelle existence, je préférerais, la prochaine fois, y passer vraiment. C’est trop dur, beaucoup trop dur.
Pour le moment les avocats essaient que je retrouve une identité administrative, que je puisse être accueilli dans un home pour personnes âgées.
Il parait même que je pourrais toucher une pension vieillesse, incroyable non, s’exclame encore Ivan.
Les tracas administratifs
Comme nous l’explique Pavel, l’avocat de Nochlechka, cela ne va pas être simple de donner une identité à Ivan, cela fait si longtemps qu’il est hors des radars de l’administration. Déjà nos premières tentatives se sont soldées par la négative.
C’est fou l’absurdité des fonctionnaires pour justifier leurs refus d’octroyer une identité administrative, s’exclame Pavel.
Le service compétant nous répète à l’envi que les documents doivent être liés au lieu de résidence réelle, mais étant donné qu’Ivan survivait dans la rue, sans adresse fixe, comment voulez-vous qu’il ait un lieu de résidence fixe, réelle ?
C’est le serpent qui se mord la queue.
Et pourtant, la fourniture de ce document est un droit et non une obligation (article 39 du règlement du Ministère de l’intérieur concernant la délivrance et le remplacement des passeports).
Nous ne baisserons pas les bras et certainement que nous les aurons à l’usure, ajoute Pavel.
Une lutte de tous les instants
Que ce soit à Saint-Pétersbourg ou à Moscou, nos avocats luttent quotidiennement face aux absurdités administratives afin de permettre aux sans-papiers sans-abris de retrouver leur identité, condition sine qua none pour accéder à un quotidien plus conforme à un être humain.
Dans le meilleur des cas, ces démarches administratives exigent de nombreuses semaines, parfois même une longue année, voir beaucoup plus.
Plus le délai est prolongé, plus le sans-papier végète dans la rue, plus diminuent ses chances de réinsertion ou simplement de survie.
Notre tâche est immense, aidez-nous à sauver des vies.
Important : malgré les embûches du boycott, nous arrivons toujours à transférer votre appui financier.