Dimitri, la Poisse

Dimitri Shlyapin coche presque toutes les cases de l’homme poursuivit par la poisse.
Comme il le chante parfois « certains vont au pensionnat, d’autres au cimetière… » et si Dimitri ne tient pas du tout à se retrouver en quatre planches, la mort n’a de cesse de le racoler.

Au dernier moment
Par obligation, les sans-abris ont recours à l’aide de médecins qu’en cas de dernière urgence, mais en général, ils meurent abandonnés dans la rue, nous explique Dasha de Charity Hospital.
Dimitri Shlyapin on l’a retrouvé dans un centre de soins palliatifs pour les sans-abris.
Non qu’il fût à l’aube de son dernier soupir, mais, méchamment estropié et sans-papier, des ambulanciers l’avaient conduit en ce lieu, ajoute-t-elle.

Une mémoire évaporée
Dimitri, cassé en deux par sa blessure, maigre à ne voire plus que les os, souffre d’oligophrénie. Apparemment, mon esprit est à la traîne, rigole-t-il.
Sur sa table de nuit, alignés avec sérieux, quelques rares objets : deux livres, sa propre cuillère, des bonbons mentholés et une icône de St Georges.
Sans identité, Dimitri, la cinquantaine ou plus, espère tout de même retrouver une vie plus conforme que de végéter dans ce mouroir des derniers instants.
Nochlechka va le prendre sous son aile pour lui redonner une identité.
Une tâche difficile puisque Dimitri se rappelle si peu de son existence passée.
Un travail ardu attend les assistances sociales de l’ONG. Par bribes, par moments, quelques images reviennent et permettent de reconstituer, un peu, un puzzle aux inconnues multiples.

Une enfance à la dure
En voici quelques fragments:
J’ai grandi à Khanty-Manbsis, un village ouvrier monté de toutes pièces pour la construction d’un énorme pont ferroviaire sur la rivière Ob.
Pas de toilettes, pas de cuisines, pas de salle de bain chez les Shlyapin. Chez les autres travailleurs non plus.
Ces commodités sont dans un bâtiment extérieur. Pas d’amour non plus, notre quotidien est à la dure en cette région reculée de Sibérie raconte Dimitri Shlyapin.
Mon père, épuisé par ce travail surhumain est décédé en 1985, ma mères six ans plus tard. Maltraitée par un compagnon, elle n’a pas survécu aux coups.
Dimitri et son frère Andreï, sans parent, sont expédiés chez une tante, à Tiounen, une famille nombreuse entassée dans un deux pièces d’un appartement collectif. On y mange rarement à sa faim.

Le gouffre
Lorsque mon frère Andreï meurt noyé, je perds les pédales, je noie mon chagrin dans l’alcool, et je me retrouve dix jours au poste de police. J’en ressors sans-papier.
Je ne suis jamais allé aux funérailles, je ne suis pas allé sur sa tombe, inutile d’en rajouter.
Pour Dimitri, sa nouvelle demeure se situe, en été, dans les buissons abandonnés ceinturant les chantiers de construction. En hiver, dans le réseau du chauffage central de la ville, où il se réfugie.
S’il ne se rappelle plus comment il est arrivé é Saint-Pétersbourg, et en quelle année, il se souvient d’avoir volé des habits dans une église. Un pull chaud, un manteau en peau de mouton d’une taille trop grande, un chapeau de fourrure, des bottes hautes et des bottines isolantes. Ce que j’étais heureux dit-il sourire aux lèvres.

Estropié à vie
Je me souviens aussi avoir travaillé sur un chantier. Il fallait déplacer des blocs de béton.
Pendant une journée j’en ai traîné une douzaine, c’était terriblement lourd.
J’en laisse un tomber, je me penche pour le ramasser et une terrible douleur m’arrache le dos. Je me retrouve au sol, gémissant, incapable de me relever. Ils appellent une ambulance et me voilà, ici, totalement handicapé.

Retrouver une existence administrative
Le travail de Nochelchka s’annonce ardu. Une fois l’identité de Dimitri retrouvée, les avocats devront se démener pour lui procurer une rente invalidité.
J’aimerais finir mes jours au monastère d’Abalak nous dit encore Dimitri Shlyapin.

Notre tâche est immense, ils sont des dizaines de milliers.
Aidez-nous à donner de l’humanité.

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