Des barreaux à la rue

Pour le prisonnier, sa sortie de prison ne rime pas forcément avec liberté. Nombre d’entre eux se retrouvent à la rue.
En effet, bien des prisonniers, des prisonnières, à cause de leur séjour en taule, n’ont plus de Propiska. Pour eux, c’est la double peine.
Angelina Antonova est une de ces personnes qui, suite à son incarcération, a perdu tout droit, toute existence administrative.

Tuer pour survivre
Angelina Antonova se trouve actuellement à la Maison d’Accueil pour les femmes sans-abris de Moscou. Elle nous raconte son calvaire:
J’ai subi la violence de mon mari pendant des années. En 2022, craignant pour ma vie et celle de ma fille de deux ans, j’ai saisi un couteau de cuisine et je l’ai poignardé. C’était lui ou nous.
Déjà je m’étais retrouvée auparavant à l’hôpital pour coups et blessures. J’avais porté plainte, mais rien. Cette fois, j’ai senti que si je ne réagissais pas, nous allions y passer.
J’ai été arrêtée. Ma fille placée.
En 2023, j’ai été reconnue coupable du meurtre prémédité de mon mari, mais mon avocat commis d’office a réussi à faire requalifier l’accusation en légitime défense excessive. J’ai été condamnée à 8 ans et 6 mois et envoyée purger ma peine dans la colonie pénitentiaire n° 28 de la ville d’Ust-Abakan, en Sibérie du Sud. Dure, très dure

Une punition sans fin
Angelina Antonova a été libérée par le tribunal en octobre 2024. Le tribunal lui reconnaissant des circonstances atténuantes exceptionnelles. Seulement, à sa sortie, Angelina Antonova se retrouve lâchée dans la « nature » sans papier d’identité. Elle a juste reçu un laisser-passer et un billet de train lui permettant de rejoindre Moscou.
Angelina Antonova fait partie des 7% d’ex-détenus qui se retrouvent à la rue. Démunie de tout, elle squatte un espace à la place des trois gares.
Son séjour en prison lui a appris comment se faire respecter. Malgré sa silhouette fluette, Angelina Antonova ne se laisse pas marcher sur les pieds.
Difficile à comparer les conditions d’incarcération à celles du quotidien de sans-abris, souligne Angelina Antonova. En prison, il n’y a pas de place pour le sentiment, il faut se défendre mais il y a un toit, de la nourriture. Dans la rue, c’est vraiment la survie qui prédomine. Et dans mon cas, vous pouvez ajouter une bonne dose de désespoir. Se retrouver derrière les barreaux pour de la légitime défense c’est déjà bien difficile à accepter, mais devoir, en plus, par la suite, être à errer dans les rues, ce n’est vraiment pas juste.

Changer la donne
L’hiver est là, Angelina Antonova voit ses ganglions lymphatiques enfler, son cou aussi, sa gorge, ses oreilles la brulent, Angelina grelotte de fièvre.
Transférée aux urgences du dispensaire le plus proche, une infirmière la prend en main et appelle Nochlechka.

Avec nos avocats nous essayons de régler le problème juridico-administratif d’Angelina Antonova. Nous voulons aussi qu’elle puisse récupérer sa fille, trouver du travail, un appartement, une vie normale.
Notre autre but est que l’administration pénitentiaire ne condamne pas une deuxièmes fois les prisonniers et prisonnières en leur retirant toute existence administrative.
Evidemment, ce souhait est des plus complexes à réaliser. C’est avant tout une question de volonté politique, et dans le contexte actuel, c’est loin d’être évident que la Douma se saisisse de cette problématique, explique Inna Gorbunova, assistante sociale.

Des milliers de femmes sans-papiers sans-abris survivent dans la rue. Notre tâche est immense, aidez-nous à donner plus d’humanité.
Et l’hiver est toujours là.

Important : malgré les embuches du boycott, nous arrivons toujours à transférer votre appui financier.

 

 

 

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