Comme à la guerre

L’analogie est osée, tout spécialement en ce moment s’exclame Sergei Levkov, médecin et bénévole de Charity Hospital.
Pour ce corps médical, travailler, soigner dans la rue, demande une grande adaptation, bien de la souplesse professionnelle face aux multiples cas qui se présentent dans un cadre adverse.
De plus, officiellement, l’Etat ne les autorise pas à pratiquer en extérieur.

Environnement hostile
A l’hôpital, toute la structure des soins est en place, les protocoles sont posés, presqu’immuables, explique Sergei Levkov.
Dans la rue, chaque cas diffère. Il y a aussi la météo, nos patients pas toujours faciles, et je ne parle pas de l’absence totale d’asepsie.
À des températures inférieures à zéro, avec des gants chirurgicaux, les mains gèlent plus rapidement que sans eux. Souvent, les procédures médicales ne peuvent pas être suivies, dans la rue on n’a pas le choix.
Dans la rue, vous n’avez, pour vous seconder, qu’un stéthoscope, un tensiomètre, un thermomètre, des tests express et quelques médicaments.
Ainsi armé, vous êtes déjà un guerrier sur le terrain.

Prêt à tout
Un médecin de rue est toujours plus qu’un médecin ordinaire. Il a besoin de compétences étendues pour comprendre le VIH, la tuberculose, le travail social.
Distribuer des pilules est soit extrêmement inefficace, soit extrêmement dangereux car vous n’avez aucun contrôle sur le suivi.
Vous devrez traiter une pneumonie, une otite, des éruptions cutanées et des plaies, des fractures, que sais-je, déclare Lana Zhurkina, une de ses collègues.
Elle ajoute : un sans-abri n’accepte pas toujours d’être aidé, il faut le convaincre. Et puis, on agit sur demande : s’il veut une tasse de soupe, on lui donne une tasse de soupe, s’il veut panser ses blessures, on les panse, s’il ne veut pas, nous devons utiliser de bien de psychologie.
Sergei Levkov atteste : la rue nous force, non seulement, à transformer notre approche technique, mais aussi nos méthodes. Nous utilisons des médicaments très simples, les interventions doivent être les plus simples mais les plus efficaces et nous devons être patients bien plus qu’à l’accoutumée.

Pas de point de chute
De plus, il faut tout faire pour éviter le passage à l’hôpital, essayer que notre sans-abri, malade ou blessé, puisse se débrouiller avec les médicaments, les pansements que nous avons appliqués.
En effet, il est extrêmement difficile que les hôpitaux reçoivent les sans-papiers sans-abris.
Chaque semaine, ou presque, nous avons des cas que nous remettons aux services d’urgence et qui sont rejetés à la rue.
Ils peuvent renvoyer une personne dans la rue, mais à moins 15°, il gèlera simplement.
Il nous faut donc retaper au mieux le sans-abri pour qu’il puisse continuer à survivre dans la rue.

La médecine de rue n’est pas autorisée par la loi
En effet, pour obtenir une licence pour les activités médicales, vous devez disposer d’un local permanent.
Vous pensez bien que dans la rue le praticien n’a aucune adresse à déclarer.
Nous essayons de contourner ce règlement inadapté en louant un petit local et en les transformant en point d’accueil fixe. Mais ce n’est évidemment pas une solution puisque notre travail est la maraude médicale.
De plus, en raison de l’absence de licence, les médecins ne touchent pas d’ancienneté lorsqu’ils travaillent dans la rue.
Et pour le praticien de rue, l’accessibilité aux médicaments et autres pansements est fortement limitée, une situation forcément très frustrante
ajoute encore Sergei Levkov.

Sur le terrain
Mais peu importe, par tous les temps., malgré ces entraves administratives, les bénévoles du corps médical de Charity Hospital poursuivent leur mission au quotidien.
Que ce soit avec le Bus de Nuit, au Centre d’Accueil, à l’Abri de Nuit, ou encore, en hiver, dans les Tentes de la Survie, ils répondent présents, ils sauvent des vies.

Le sans-abrisme n’a pas miraculeusement disparu le 24 février 2022.

Important : malgré les embuches du boycott, nous arrivons toujours à transférer notre appui financier, plus indispensable que jamais.

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