Asya a une bonne quarantaine d’année, secrétaire de profession, les traits usés par l’hiver et la survie d’une citoyenne sans-papier.
Nous rencontrons Asya une première fois lors d’un arrêt du bus de nuit. Il gèle à pierre fendre. Asya nous raconte son histoire. Une tasse de thé fumante réchauffe ses mains gantées meurtries par le froid.
Un destin si souvent entendu
Je viens de Severomorsk, cette ville du nord où j’ai travaillé aux chantiers navals.
En octobre, il y a cinq mois, j’ai voyagé à Saint-Pétersbourg pour essayer de trouver du travail. Dans le train on a volé mes affaires. J’en ai informé la contrôleuse de ticket mais elle n’a pas voulu me délivrer une attestation. A l’arrivée, je me suis rendu au poste de police proche de la gare de Ladozhskiy, là non plus, rien à faire, pas de déclaration de vol. Ils voulaient de l’argent, j’en avais plus.
Et me voilà sans papier, sans argent, à la rue. J’ai trouvé refuge dans une barraque abandonnée mais y survivre avec des vitres brisées et des températures négatives est un défi quotidien.
La fraternité des oubliés
Au début, par chance, le climat n’était pas si rude que ce soir. J’ai pu commencer à organiser ma survie et surtout j’ai rencontré d’autres personnes qui comme moi se retrouvaient dans le dénuement le plus total. Elles m’ont aidée, appris les trucs essentiels pour ne pas mourir de faim, de soif, et de froid. L’une d’elle surtout m’a parlé du Bus de Nuit et depuis je m’y suis rendu chaque soir pour recevoir de la nourriture chaude, du réconfort.
Pas de lits d’accueil pour les femmes
Avant de trouver la ruine qui m’a reccueillie, j’ai bien essayé les hébergements de l’Etat mais ils demandent d’être administrativement totalement en règle pour y accéder.
Absurde, si j’avais mes papiers je ne serais pas à la rue. Et encore si l’on a tous les papiers il n’y a même pas de place.
Igor, le chauffeur du Bus de Nuit, nous le confirme : il y a plus de deux cent demandes pour un seul lit.
Il n’existe qu’un Nochlechka
Quelques jours plus tard, nous avons retrouvé Asya à Nochlechka. Là où l’ONG héberge une soixante de personnes par mois.
Elle va y vivre le temps que les services juridiques de l’ONG essayent de lui retrouver une existence administrative.
On dirait que le vent à tourner, nous dit Asya en souriant, je me retrouve ici, à l’abris, bien logée, nourrie, soignée et peut-être bientôt je pourrais à nouveau mener une existence normale. Elle ajoute:
Quel dommage qu’il n’existe qu’un Nochlechka, nous aurions besoins d’en avoir des dizaines tant sont nombreux les malheureux à n’avoir aucun toit.