
Violemment, ils m’ont agrippé par les épaules, poussé sans ménagement jusque dans le 4/4. Après, je ne me souviens de rien jusqu’à mon réveil dans le camp de travail. Certainement, ils ont dû me droguer pendant le voyage.
Ivan, un sans-papier sans-abri, un costaud dans la trentaine, raconte son enlèvement par des esclavagistes.
Nochlechka, par ce témoignage, poursuit sa sensibilisation quant aux petites annonces qui cachent, bien souvent, d’impitoyables pièges synonymes d’esclavage.
Loin de tout
Le jour où ils m’ont enlevé, je me trouvais aux alentours de Moskovski vokzal (la gare) à Saint-Pétersbourg. Depuis deux semaines j’y trainais, cherchant une opportunité de sortir de mon sans-abrisme.
Je regardais diverses petites annonces collées à même un poteau quand le malheur est arrivé.
Quand je me suis réveillé, j’étais allongé sur une paillasse complètement défoncée, une vague et très fine couverture horriblement puante jonchait à mes côtés. Quel mal de tête, certainement l’effet du somnifère.
Et quelle chaleur dans ce hangar. De multiples puciers parsemaient le sol. Mais personne. Je suis sorti, mes geôliers m’ont vu. Sans ménagement, sans un mot, ils m’ont douché avec un jet à forte pression, puis m’ont filé des salopettes orange, m’ont rasé la tête et m’ont injecté un produit. Plus tard, j’ai su que c’était contre les maladies.
La peur en continu
Je me suis retrouvé dans un vaste champ d’orge, des dizaines de silhouettes oranges y courbaient l’échine. Je les ai rejointes et ont commencé des semaines interminables de mauvais traitements.
Continuellement, nous étions sous l’étroite surveillance de gardes armés de fouets et de matraques. Il y avait aussi des chiens toujours très menaçants. Et même quelques hommes à cheval patrouillaient.
La nuit nous étions enfermés à double tour dans ce hangar. Le matin, le jet d’eau froide et un vague brouet pour remplir nos estomacs. Et en route pour les récoltes, une bouteille d’eau comme tout bagage.
Nous trimions de l’aube au coucher du soleil. Pas de repos, les coups de fouet claquaient, les molosses mordaient. Nos gardes nous adressaient à peine la parole, juste pour nous crier leurs ordres.
S’évader, nous le voulions tous. Certains y arrivaient-ils ? En tous les cas, à l’appel du soir, quelques-uns n’étaient plus présents. De multiples rumeurs circulaient à ce sujet, je m’en suis inspiré, j’ai osé.
La fuite
Comment j’ai retrouvé la liberté ? J’avais repéré un camion qui venait apporter le ravitaillement. Parfois, nos gardes demandaient à l’un d’entre nous de les aider.
Quand ce fut mon tour, je suis arrivé à me cacher sous le camion. Il y avait un espace pour une roue de secours qui n’était pas là. Ce jour-là j’ai eu de la chance. Il y avait un sacré remue-ménage, ils se disaient que les Ukrainiens avaient envahi une partie de la région.
Avec le camion on a gagné un bled appelé Rylsk. Et c’est ainsi que j’ai compris que je me trouvais dans la région de Koursk connu pour ses fameuses terres noires, les tchernozems. Je l’avais échappé belle.
Selon les données de l’OIT, en 2024, le monde compterait pour le moins 27 millions d’esclaves.
A Nochlechka, nous faisons tout pour éviter que les sans-papiers sans-abris soient victimes de ces esclavagistes.
Merci de continuer à nous soutenir, notre tâche est immense. Nous sauvons des vies.
Important, malgré le boycott bancaire, notre aide financière se poursuit.