Le piège

Gare à ces petites annonces de travail. Trop souvent, elles dissimulent un terrible piège, l’esclavage.
En Russie, du fait de ce manque criant de main d’œuvre provoqué par la guerre en Ukraine, la recherche de travailleuses, de travailleurs, n’a jamais été aussi frénétique.
En ce mois d’octobre, Nochlechka met en garde, une fois encore, les sans-papiers sans-abris des dangers que recèlent ces offres d’emplois. Certaines invitent à rejoindre des maisons de travail se présentant comme des organismes de charité.

En des lieux stratégiques
Aux abords des gares, d’arrêts de bus, aux alentours des centres sociaux, des Centres d’Accueil de Nochlechka et même, parfois, lors des distributions de nourriture des Bus de Nuit, les sollicitudes sont très présentes.
Leur cible privilégiée, le sans-papier sans-abri, cette personne qui ne peut travailler qu’au noir et qui fera tout, ou presque, pour un boulot, un salaire, de quoi fuir la rue et sa survie.

L’enfer
Nochlechka le sait que trop bien, connaît par cœur, ces récits terrifiants décrivant les travaux forcés auxquels sont soumis grand nombre de personnes.
Andrey a failli y laisser sa peau. Ils nous ont traités pire que des chiens, raconte-t-il.
On travaillait de l’aube à la nuit, non-stop, pour une maigre pitance, toujours sous la surveillance de malabars escortés par des molosses.
J’ai entendu dire que nos gardes et leurs chiens pouvaient tuer le fugitif. Je n’ai pas pris de risque, j’ai attendu très longtemps pour m’échapper.
Igor, rescapé d’un autre camp, abonde dans son sens. Une première fois, j’ai tenté de m’enfuir, les gardes m’ont rattrapé, ils m’ont sévèrement tabassé devant tous les autres travailleurs esclaves. Ils m’ont battu avec une ceinture de soldat, dans la chaleur, pour que la peau brûlée au soleil éclate, poursuit Igor, encore traumatisé par cette terrible expérience.
Je pensais que j’allais mourir là-bas. Les gardes du camp ne donnaient aucun médicament, juste de la vodka mélangée avec du poivre noir. J’ai pu m’échapper grâce à un compagnon qui, ayant attrapé la tuberculose, fut expulsé du lieu.

Les maisons de travail
La liste est longue de ces récits d’esclavage moderne, explique Daria Baibakova, directrice de Nochlechka Moscou.
En théorie, ces maisons de travail seraient des organisations caritatives où les gens dans le besoin, entre autres les sans-abris, auraient des emplois officieux, où ils posséderaient un logement, des conditions décentes, y recevraient un juste salaire, poursuit Daria.
Dans la pratique, trop souvent, c’est exactement le contraire, ces maisons, ou plutôt ces camps de travail, pratiquent l’esclavage.
La personne y est retenue contre son gré, les salaires sont de misère, entre 400 roubles (3,80 CHF) et 1’200 roubles (11,50 CHF), quand ils sont versés. A ces rémunérations de broutille, très souvent, la nourriture et le logement sont défalqués.
En général, il n’y aucun jour de repos, les horaires n’ont pas de fin, la nourriture est des plus rudimentaires, les dortoirs tout juste bons à protéger des intempéries.
Je serais heureuse si je me trompais, ajoute Daria, mais jusqu’à présent, ni moi, ni mes collègues n’avons vu ou entendu parler que ces maisons de travail soient aussi idylliques qu’elles se dépeignent.

Et les autorités ?
Mis en œuvre par la Douma depuis le 1er janvier 2024, le chapitre 13 de la loi 2023 du code du travail est consacré à la lutte contre le travail illégal. Il est défini comme : “toute activité professionnelle exercée en violation de la procédure de formalisation des relations de travail établie par la législation.”
Dans les faits, l’Etat, la police, ferment le plus souvent les yeux sur ces travaux apparentés à de l’esclavage. Ils s’en désintéressent ou touchent des pots de vin pour regarder ailleurs.
Sans oublier que dans la plupart des cas, ces travailleurs forcés n’iront pas à la police. Sans papier, comment s’adresser au plus proche commissariat ?

A Nochlechka, nous faisons tout pour éviter que les sans-papiers sans-abris soient victimes de ces esclavagistes.

Merci de continuer à nous soutenir, notre tâche est immense, nous sauvons des vies.

Important, malgré le boycott bancaire, notre aide financière se poursuit.

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