À Saint-Pétersbourg, 1’532 sans-abris sont décédés. A Moscou, ils sont 5’032 à avoir succombé aux épouvantables conditions de survie.
En Russie, les sans-abris meurent 19 ans plus précocement que les autres citoyens du pays, souvent à cause de maladies faciles à guérir.
Leur espérance de vie avoisine les 54 ans, 73 ans pour un citoyen lambda.
Terribles données
Nochlechka est parvenu à obtenir les datas de l’agence Rosstat concernant la mortalité chez les sans-abris. Les chiffres sont édifiants et nous montrent à quel point il est fondamental d’appuyer les multiples actions humanitaires de l’ONG.
Daria Baibakova, directrice de Nochlechka Moscou, nous explique : pour la première fois, nous avons pu obtenir non seulement des chiffres sur la mortalité des sans-abris par région de Russie, mais également des données sur les causes des décès. Il s’agit d’informations importantes que nous n’avions pas auparavant et grâce auxquelles nous pouvons désormais évaluer plus précisément la situation des sans-abris en Fédération de Russie.
Une hécatombe
En 2023, précise Daria Baibakova, cinquante-sept mille quatre cents soixante-deux sans-abris sont morts, soit environ 3 % de tous les décès en Russie.
Ces chiffres sont comparables, par exemple, à la population de la ville de Vorkouta dans la République de Komi.
Les sans-abris meurent de causes externes beaucoup plus souvent que les gens ordinaires, accidents de la route, accidents du quotidien, meurtres, suicides, blessures de toutes sortes, exposition à des températures extrêmes, etc.
Mortalité facilitée
Nous le savons, sans Propiska impossible de se faire soigner. Pour le sans-papier sans-abri les traitements médicaux ne sont pas disponibles.
Selon la loi, si vous n’avez pas de documents identitaires, la seule intervention médicale possible est l’accès à une ambulance. Et encore. Cette ambulance arrivera si l’état du sans-papier sans-abris devient critique et que sa vie est en danger.
Si cette personne est gravement malade, mais que son état n’est pas encore devenu critique, pas d’ambulance. De plus, elle ne pourra pas consulter un médecin.
Par conséquent, les sans-abris sont nettement plus susceptibles de mourir que les gens ordinaires de maladies rarement mortelles car ces derniers sont pris en charge à temps.
L’indice de mortalité
Daria Baibakova poursuit : sur la base des données reçues de Rosstat, nous avons introduit le concept d'”indice de mortalité” des sans-abris.
Nous avons également classé les régions de la Fédération de Russie selon leur taux de mortalité, en mettant en évidence celles où la situation semble la plus menaçante.
L’indice de mortalité est une valeur mathématique qui est essentiellement une combinaison des trois indicateurs les plus importants :
1. Proportion des décès des sans-abris dans le nombre total de décès
2. Différences de l’âge médian entre les sans-abris et le reste de la population quant au décès
3. Le rapport de probabilité que le décès soit dû à : 1) des causes externes, 2) des maladies du système digestif, 3) des maladies du système respiratoire, 4) des infections et des maladies parasitaires.
Top 10 des régions où il est le plus dangereux de survivre pour les sans-abris :
1. Région de Krasnodar
2. Saint-Pétersbourg
3. Région de Magadan
4. Région de Moscou
5. Moscou
6. Région de Novgorod
7. Région de Riazan
8. Région de Samara
9. Région de Mourmansk
10. Région d’Ivanovo
Létales constatations
La valeur d’indice la plus élevée, de loin, a été obtenue pour le territoire de Krasnodar. Le risque de mourir de causes externes pour les sans-abris dans cette région est 43 fois plus élevé que pour les autres habitants.
76 % de tous les sans-abris décédés dans le territoire de Krasnodar sont morts de causes externes. Cela peut être dû, en partie, au fait que cette région, comme beaucoup d’autres, rencontre un sérieux problème de conditions laborales dans les entreprises et l’agriculture où l’esclavage des sans-papiers sans-abris est souvent une source importante de la main d’œuvre. Lire article.
Dans les villes touristiques, la forte mortalité des sans-abris s’explique par la volonté des autorités de cacher à tout prix le sans-abrisme.
Repoussé loin des centres touristiques, le sans-abri est oublié, rendant plus aigu encore le problème de sa survie.
Dans ce palmarès morbide, les leaders du classement sont Moscou et Saint-Pétersbourg, villes touristiques par excellence.
En 2023, plus de cinq mille sans-abris sont morts à Moscou.
Cela signifie que les mesures prises l’année dernière, avant le début de la saison froide, par le gouvernement de Moscou n’ont pas fonctionné.
À Saint-Pétersbourg, le taux de mortalité a augmenté d’une fois et demie : en 2023, 1’532 sans-abris sont décédés, en 2022, ils étaient 1’005.
Non à la mort blanche
Face à ces évidences mortifères, nous avons lancé, avec d’autres ONG russes s’occupant des sans-papiers sans-abris, un appel pressant aux dirigeants.
“Prenez urgemment des mesures avant le début de la saison froide, ouvrez des centres d’accueil chauffés accessible à toutes et tous, ne tenez pas compte de l’absence de papiers d’identité. Créez des centres médicaux où tout sans-papier sans-abri peut recevoir des soins, passer des examens, consulter des médecins.
C’est une tâche tout à fait réalisable, pour n’importe quelle région. Ne détournez plus les yeux, sauvez des dizaines de milliers de vies humaines.
Agissez maintenant.”
N’est-ce pas la tâche principale de l’État, se demande Daria Baibakova ?
Notre travail humanitaire est immense. Merci de continuer à nous soutenir, nous sauvons des vies.
Important, malgré le boycott bancaire, notre aide financière se poursuit.