Cette interview a eu lieu à Saint-Pétersbourg, dans les locaux des affaires sociales de cette ville. Madame Galina Vladimirovna Kolossova en est la responsable.
Lors de cette rencontre Madame Kolossova nous a expliqué que la ville a commencé à se pencher sur le problème des citoyens sans-papier, sans-logis à partir de 1997. Au cours decet entretien, souvent une impression surréaliste s’en dégageait.
Il fut difficile d’obtenir des réponses précises et chiffrées, un peu comme si nous avions demandé pourquoi une tomate est rouge et l’on nous répondait cette poire est verte.
Suite à nos demandes pour consulter le bilan de 2010-2011 et le budget 2012 consacrés aux sans-abris, Serguei Matskevich, assistant de Mme Kolossova, nous a répondu que : « en ce qui concerne le budget municipal prévu pour les sans abris, selon lui, il est absolument impossible de les définir car il fait partie du budget total social prévu pour les centres de politique sociale qui s’occupe de plusieurs catégories des gens : handicapés, pauvres, familles avec plusieurs enfants, etc. et entre autre les sans abri. »
Sans apporter de réponses concrètes quant au « système » de la propiska, Mme Galina Vladimirovna Kolossova reconnait tout de même entre les lignes, à plus d’une reprise, que l’enregistrement du citoyen russe pose problème.
De plus il ressort de cette interview que les solutions proposées aux sans-papiers sont conçues pour des citoyens n’ayant pas vraiment ce genre de problème et ne souffrant pas de grandes difficultés économiques.
Sommes toutes des solutions très théoriques et peu pratiques.
NSS : On remarque que la politique sociale de Saint-Pétersbourg a évolué depuis 2011, comment l’expliquez-vous ?
GK : Les réclamations, les constations des ONG constatant que rien ou très peu était entrepris pour les sans-abris ont eu un impact. Les autorités municipales et nationales ont pris conscience du problème et elles ont pris des mesures pour y remédier. C’est la quantité de problèmes qui se transforment en solutions de qualité. Elles ouvrent de novelles perspectives.
NSS : Quelles sont les réalisations depuis 1997 ?
GK : Un centre de recensement a été créé et a inscrit à ce jour 2’800 personnes.
NSS : Sachant qu’ils sont plusieurs milliers, entre 30’000 et 60’000, la participation de l’Etat à résoudre le problème n’est-elle pas faible ?
GK : La capacité du budget est limitée par plusieurs facteurs. Les premiers à avoir profité de cette offre furent les habitants de la ville qui bénéficiaient d’un logement avant le changement de régime. La ville attire bien du monde des autres régions de Russie qui cherche une amélioration de leur quotidien.
NSS : Et comment appréhendez-vous cette immigration intérieure ?
GK : Après les années 1991, la politique a changé. À l’époque elle était orientée exclusivement vers les personnes originaires de St-Pétersbourg. Actuellement, toute personne peut s’adresser au centre nocturne où il signe un contrat comme quoi il accepte de s’engager dans une vie nouvelle. Ceci permet une réinsertion. En 2011, 1’200 personnes en ont profité.
NSS : Pratiquement qu’est-ce qui est fait ?
GK : Nous avons dix-huit établissements, tout d’abord un centre qui s’occupe de la restitution de documents et aussi des relations entre les autorités de Saint-Pétersbourg et les lieux d’où proviennent les sans-papiers. Ce centre s’occupe de la restitution de documents.
Et dans 14 arrondissements il y a les centres nocturnes qui accueillent 280 personnes en tout. Elles peuvent y séjourner pour une période allant de six mois à une année. Et nous travaillons pour que chaque arrondissement ait un centre. Pour l’instant c’est quatorze centres et il y a dix huit arrondissements.
NSS : Combien en 2011 en ont-ils profité ?
GK : Ils existent trois centres de réhabilitation pour les gens libérés de prison, 128 personnes sont concernées car une fois en prison on perd son logement. Et le 2em centre est spécialement destiné aux personnes âgées qui elles aussi sont passées par la case prison. Il existe enfin un centre pour les femmes sans-abri, qui elles également ont fait de la prison.
Les donateurs russes donnent très peu car pour eux les sans-abris ont choisi ce mode de vie
NSS : Concrètement quel est le budget consacré à ce problème ?
GK : Il est difficile d’avoir une somme globale de l’apport de l’Etat car ce sont diverses aides réparties à travers divers services.
NSS : Plus précisément ?
GK : L’aide se répartit ainsi : 30 % aide extérieur (fédéral), 30 % comité des affaires sociales de St-Pétersbourg et 40% provient de l’arrondissement où est installé en hiver la tente de Nochlezhka. Vous remarquerez que les 2/3 proviennent de la ville.
Nous pouvons dire qu’en 2011 Nochlezhka a reçu un million de roubles (27’387 CHF).
Nous soutenons Nochlezhka. Nochlezhka est très influencée par l’Occident et a tendance de mésestimer l’apport de l’Etat. Nochlezhka ne mentionne pas l’aide reçue par l’Etat ainsi ils obtiennent plus facilement une aide extérieur
NSS :Recevez-vous de l’aide privée ?
GK : Les donateurs russes donnent très peu car pour eux les sans-abris ont choisi ce mode de vie. Ils préfèrent soutenir les familles nombreuses ou des personnes âgées avec des problèmes économiques.
NSS : A ce sujet, la ville devait programmer une campagne d’affichage et d’information pour expliquer qu’elle était réellement la situation des sans-abris.
GK : Il est impossible d’expliquer le problème de façon globale cependant on agit par étape, la première fut d’expliquer que le sans-abri ne doit par être frappé d’ostracisme car il est victime du système. Deuxième étape, rechercher des donateurs, des entreprise qui s’engagent financièrement dans les programmes de réhabilitation. Malheureusement il est difficile d’être optimiste car la mentalité russe ne le permet pas et c’est pour cela que l’aide financière extérieur est la bienvenue, par exemple NSS.
NSS : Quel est le laps de temps pour votre administration de restituer des papiers, vous dites un mois, cependant il est connu que ce délai est dans la plus part des cas beaucoup plus long, six mois, une année ou plus ?
GK : Cela dépend de la situation de la personne. Il faut définir s’il est ou pas citoyen de la Russie.
NSS : Le plus simple ne serait-il pas de changer la loi, le système d’enregistrement ?
GK : Maintenant le système a changé on peut trouver du travail.
NSS : Même si l’on n’a pas de logement ?
GK : Presque 70% des sans-papier proviennent de l’extérieur. Il serait donc plus raisonnable qu’ils retournent vers leur famille, leur lieu d’origine.
En ce qui concerne l’enregistrement des sans-papier, dans les 14 centres ont peut obtenir l’enregistrement temporaire.v
(Voir liste pour accéder à un centre)
NSS : Temporaire correspond à quoi ?
GK : Si une personne trouve du travail, il peut obtenir cet enregistrement pour sept mois.
NSS : Et avec cela, est-ce possible de trouver un logement ?
GK : Un logement on peut l’acquérir si on a de l’argent, les papiers n’importent pas.
Avant de venir à Saint-Pétersbourg, les travailleurs vendent leur logement très bon marché et lorsqu’ils arrivent ici pour trouver un nouvel emploi, ils se retrouvent sans argent et donc sans-abris.
En Occident les services d’entraide sont moins dirigistes
NSS : En Suisse il n’y a pas de problème de papier si l’on change de région alors qu’en Russie c’est le cas.
GK : Le problème est que les chercheurs d’emploi n’’ont pas les compétences pour les postes auxquels ils aspirent mais refusent d’accepter d’autres offres, ils ne montrent pas de bonne volonté. En fait s’il prenait n’importe quel travail cela résoudrait leur problème d’enregistrement.
NSS : Ce n’est donc jamais une affaire de papiers, d’enregistrement ?
GK : Dans la catégorie de la population avec laquelle nous avons à faire, il y a malheureusement peu de personnes suffisamment formées professionnellement pour trouver un travail. Il n’y a qu’un faible pourcentage de ce segment qui est capable de trouver du travail.
Deux foires de l’emploi ont été mises sur place, spécialement pour les sans-abris mais seulement 400 personnes ont trouvés un emploi malgré l’importance des offres proposées.
NSS : Combien de personnes ont-elles assistés à ces foires ?
GK : Environ 400 personnes étaient présentes. Les sans-abris furent informés de ces événements par le biais des centres.
NSS : Vous nous parliez de ces 18 districts et de ces quatorze centres, lieux chauffés qui devaient être accessibles en hiver. Cependant actuellement il n’existe que deux emplacements accessibles aux sans-abris. Pourquoi est-ce que l’offre est-elle aussi réduite sachant qu’il y a selon les chiffres officiels près de 28’000 sans-abris ?
GK : La tente dans l’arrondissement Nievski est presque vide. Il y a beaucoup de vagabonds enregistrés mais peu de sans-papier sans-abri.
NSS : 14 centres, 280 personnes à l’abri, c’est très, très peu face aux 28’000 personnes concernées, pourquoi l’effort n’est-il pas plus important ?
GK : Ces centres sont en généralement vides, surtout en été, les gens ne sont pas intéressés à s’y trouver. Dans ce pays il y a le système gouvernemental et le système municipal.
Le système gouvernemental force la personne à accepter l’aide et ne lui laisse pas le choix de vivre comme elle veut. Si l’Etat donne de l’argent tu dois t’occuper de ta réhabilitation et respecter certaines règles.
En Occident les services d’entraide sont moins dirigistes et beaucoup d’organisation accueillent les sans-abris sans rien leur demander.
NSS : Oui surtout en hiver.
GK : Ici le sans-abri peut aller soit dans les centres gouvernementaux avec ses règles, soit dans les centres des ONG.
Encore des problèmes administratifs et de papier
NSS : Toujours au sujet de ces centres, existe-t-il des lieux pour les femmes sans-papier qui ne sortent pas de prison ?
GK : Dans les centres il y a des espaces réservés aux femmes. Il y aussi le centre d’urgence pour les femmes, le centre de consultation médicale pour les femmes. Mais les femmes sont plus fortes que les hommes, soit elles organisent leur sans-abrisme avec leur partenaire, soit elles se débrouillent sans accéder, ou rarement aux centres. Ce sont surtout des hommes qui y viennent.
NSS : Au sujet des douches, qu’en est-il ? Est-ce que dans ces centres il y a des douches accessibles aux sans-abri qui y viendraient pour se laver et nettoyer leurs habits puis repartirait ?
GK : Le problème des douches est liées à la propriété foncière, et ne permet pas d’installer des douches mobiles car c’est difficile dans cette grande ville d’adapter ce genre d’installation. Mais les ONG peuvent proposer un réseau d’installations de douches et l’Etat pourrait financer ce genre de projet.
NSS : Mais quel est le problème foncier si le terrain appartient à la ville de Saint-Pétersbourg ?
GK : Il est difficile de connaître le propriétaire foncier si le terrain ne se trouve pas aux côtés d’un bâtiment officiel.
NSS : C’est donc encore des problèmes administratifs et de papier ?
GK : Oui, oui.
NSS : Qu’en est-il des soins médicaux pour les sans-papiers ?
GK : Aujourd’hui il n’y a aucun obstacle pour le sans-papier, sans-abri. Il peut s’adresser à n’importe quelle compagnie d’assurance. Le problème ne vient pas de la législation qui a complètement changée en 2011 mais les assurances n’ont pas changé leur façon de faire et donc le problème n’est pas encore vraiment résolu.
NSS : Et aux niveaux des urgences comment cela se passe-t-il ?
GK : Normalement le sans-papier a accès aux urgences mais en cas de refus il faut déposer plainte auprès du comité de la santé. Si Nochlezhka est au courant de ce genre de situation il doit déposer plainte et informer le public.
NSS : Une dernière question concernant les orphelinats et les adolescents qui sortent souvent sans pièces d’identité, que ce passe-t-il aujourd’hui ?
GK : En 2011-2012 une campagne a été lancée pour accompagner la personne qui sort de l’orphelinat. Ce dernier se rend au centre où un travailleur social le prendra en charge, le protège, le conseillera pour les questions immobilières, si cette personne possède un bien de ce genre, afin qu’elle ne se fasse pas gruger en cas de vente. Cela concerne principalement les orphelins originaires d’autres provinces que celle de Saint-Pétersbourg. En ce cas on fait tout pour qu’ils rejoignent le lieu de leur origine.