Les affres de l’hiver et de l’administration russe. En ce 3 février 2012 alors que l’hiver est particulièrement meurtrier, Sergueï Chaïgou, ministre des situations d’urgence du cabinet de Vladimir Putin exigeait aux dirigeants des institutions territoriales du Ministère, «d’organiser dans chaque ville l’installation de tentes chauffantes et des structures de ravitaillement des SDF qui sont les premières victimes du froid », (entre autres les régions de Saint-Pétersbourg et de la région Leningradskaja).
L’indifférence
La réponse de la région Leningradskaja signée par son directeur Maxim Birioukov indiquait le 22 février 2012 que « la direction avait organisé une analyse sur l’existence et le fonctionnement de sections municipales de réhabilitation sociale de personnes SDF et sur l’examen de la question de l’installation de telle structures en commun avec les institutions locales d’auto gérance de la région ».
En d’autres mots, malgré la gravité de l’instant les directions régionales et municipales du Ministère n’ont pas exécuté l’ordre du Ministre et ont simplement créé une commission. A ce jour, sauf erreur, elle délibère toujours.
Comme si les statistiques du Comité municipal des actes d’état civil de la ville de Saint-Pétersbourg n’avaient aucune importance.
Un cruel constat
Elles informaient que lors de la période du 11 novembre 2011 au 20 février 2012, sont décédés 433 SDF, 249 personnes dont l’identité n’a pas été établie, 63 personnes résidentes dans la ville mortes suite aux gelures, 4 SDF et 23 sans identité connue.
Suite à ce constat, Nochlechka a adressé une lettre une lettre ouverte Sergueï Chagaiou en le priant de s’informer pourquoi les directions qu’il dirige ne soutiennent pas les personnes sans-abri et d’en responsabiliser les fonctionnaires.
En outre, Nochlechka prie le ministre de faire le nécessaire pour que l’hiver prochain les institutions territoriales du ministère remplissent les obligations qu’il avait formulées concernant l’installation de tentes chauffantes dans chaque ville dont Saint-Pétersbourg.
La mort blanche frappe
Maxim Birioukov a de son côté recommandé à Nochlezhka de s’adresser au
Comité de la protection sociale de la population de la région. La réponse du directeur par intérim responsable de Saint-Pétersbourg, Kniazev Alexandre, bien que moins alambiquée fut du même genre : « les structures destinées aux sans-abris sont du domaine du Comité de la politique sociale de Saint-Pétersbourg ».
Pour Nochlezhka, personne ne prend ses responsabilités alors que la mort blanche frappe aux portes de l’administration pétersbourgeoise et qu’une grande partie de ces personnes auraient pu rester en vie si les directions – régionale et municipale – avaient mise en places les structures ordonnées par le Ministre Sergueï Chagaiou.
Mobiliser la société civile
Lors d’un entretien accordé le 19 avril dernier, le Consul Général russe de Genève Yuri Gloukhov, soutient : «…qu’il faut que la société civile exerce une pression. Le fonctionnaire arrive à son bureau, touche un salaire et le problème n’est pas résolut. Il ajoute : « Le problème politique doit être abordé avec le député de cette ville. Il faut exercer du lobbying, je n’ai pas peur de ce mot. Chaque député représente sa circonscription, donc il faut insister auprès de lui pour qu’il se préoccupe des sans-abri, que ce thème soit dans ses priorités. » (Lire interview)
Une administration pathétiquement administrative
A lire les réquisitions demandées aux sans-abris pour pouvoir accéder aux centres d’accueil mis sur pieds par le service social de Saint-Pétersbourg on ne s’étonne pas ou plus des obstacles et la lenteur administrative cités ci-dessus.
L’enregistrement est effectué sur présentation d’une demande faite par écrit accompagnée des documents suivants :
– papiers identifiants la personne en tant que citoyen de la FR
– le formulaire No 9 – qui certifie le dernier enregistrement à St-Pet. (Leningrad)
– une fiche de départ – le papier qui certifie l’absence d’enregistrement
– une attestation d’absence d’enregistrement à l’endroit indiqué dans la fiche de départ
– les citoyens qui sortent de prison présentent une attestation de mise en liberté.
Une fois enregistré, le citoyen reçoit une attestation valable pour 1 année.
L’enregistrement
L’enregistrement est effectué selon le Règlement sur l’enregistrement des citoyens de la FR sans domicile fixe du 17.08.2007 No 1010. Apres l’obtention de l’attestation vous devez vous adresser à la Commission interdépartementale sur la prophylaxie du sans-abrisme auprès de l’administration de votre district. Vous pouvez aussi essayer de vous adresser directement aux assistants sociaux du foyer de nuit de votre district.
Si votre district ne possède pas de foyer de nuit, vous devez, après obtention de l’attestation, vous adresser à la Commission interdépartementale de votre district et, ensuite, aux foyers d’autres districts.
Inutile d’être grand clerc pour se rendre compte que cette course d’obstacles ne facilite en rien l’hébergement des sans-abri malgré les quelques progrès enregistré à ce sujet en ville de Saint-Pétersbourg depuis l’année 2011.
Le règlement avant tout
Lors d’une interview le 28 février 2012 (lire l’interview dans son intégralité) avec Madame Galina Vladimirovna Kolossova, responsable des affaires sociales de la vile de Saint-Pétersbourg, NSS lui a demandé à ce propos :
NSS – A Saint-Pétersbourg sur 18 districts, la ville compte 14 centres où 280 personnes ont trouvé un abri cet hiver, c’est très peu face aux 28’000 personnes officiellement concernées, (le recensement date de 1997) pourquoi l’effort n’est-il pas plus important ?
GK -Ces centres sont en généralement vides, surtout en été, les gens ne sont pas intéressés à s’y trouver. Dans ce pays il y a le système gouvernemental et le système municipal.
Le système gouvernemental force la personne à accepter l’aide et ne lui laisse pas le choix de vivre comme elle veut. Si l’Etat donne de l’argent tu dois t’occuper de ta réhabilitation et respecter certaines règles.
En occident les services d’entraide sont moins dirigistes et beaucoup d’organisation accueillent les sans-abris sans rien leur demander.
NSS – Oui surtout en hiver.
GK – Ici le sans-abri peut aller soit dans les centres gouvernementaux avec ses règles, soit dans les centres des ONG.
Encore heureux que pour palier à cette rigidité il existe Nochlezhka et sa tente de la survie. (Lire article)
Pour les sans-abri l’hiver est fini La tente du Canal de contournement ferme ses portes.
Mais l’on ne peut s’empêcher de penser à ses pauvres hères, victimes administratives, rencontrés sous un blizzard mordant en pleine nuit et se rendre compte de toute l’absurdité de ce système où pour l’absence d’enregistrement (propiska) il n’est pas rare de crever de froid.