Au bout de la nuit

L’hiver russe ou les préjudices de l’administration

Saint-Pétersbourg, le 23 février 2012, Sortirovochnaia, gare de triage, 21h00, en contrebas des voies, le long d’un chemin couvert de neige, balayé par un vent méchant, une cinquantaine de sans-abris attendent stoïquement l’arrivée du Bus de Nuit.

Frigorifiés devant le véhicule, des femmes, des hommes engoncés dans quelques couches d’habits vaguement protectrices, les sans-papier, reçoivent pain, soupe et thé bouillant.
La distribution de vivre est rondement menée, les flocons tombent drus, le blizzard et les courants d’air ne laissent guère de place aux bavardages. Il fait froid.
Un seul éclairage, celui du véhicule, silhouette la buée s’échappant des boissons chaudes. A peine leur encas avalé, le corps, les mains réchauffés par cette collation salvatrice, ils regagnent, happés par les bourrasques blanches, des abris de fortune, des coupe-vent dérisoires.

Un répit de courte durée
Pour les sans-papiers sans-abris, le répit sera de courte durée dans la longue et glaciale nuit pétersbourgeoise.
Comment ne pas penser à l’absurdité de leur situation ? Se retrouver là, dans une banlieue glauque, inhospitalière, du simple fait de l’iniquité de quelques règlements kafkaïens. Comment est-il possible qu’un gouvernement traite ses citoyens de la sorte, victimes administratives d’une logique d’exclusion ?

Et demain combien seront-ils qui auront succombé aux grand froids ?

En attendant, à Saint-Pétersbourg, seule Nochlezhka, sa tente de la survie et son bus de nuit, soutiennent quotidiennement un petit nombre de désespérés, à peine trois cents personnes, et dire qu’ils sont dans cette ville, des dizaines et des dizaines de milliers à pâtir des affres de l’hiver et de l’administration russe.