Vlada Gasnikova est responsable de la communication chez Nochlezhka. Elle nous raconte comment elle en est venue à occuper ce poste de première importance.
Ma profession de base est le journaliste.
Très vite j’ai remarqué qu’en Russie toutes les vérités n’étaient pas bonnes à écrire. Mon idéal romantique en a pris un coup et il fut pour moi de plus en plus difficile de travailler pour les médias de Saint-Pétersbourg.
J’avais entendu parler de Nochlezhka et de son aide apportée aux sans-papiers. Je regardais d’ailleurs souvent leur page web que je trouvais « très pauvre ».
Des yeux tristes brillant de plaisir
Je me suis dit que parallèlement à mon travail je pourrais les aider à mieux communiquer. Le jour où je suis arrivée dans leurs locaux, et tant bien même que l’on ne m’ait même pas offert une tasse de thé, je m’y suis tout de suite sentie bien. Pour rester avec eux j’étais prête à tout faire, même à débloquer l’imprimante.
Ce ne fut pas nécessaire car très vite j’ai du gérer la recherche de cadeaux pour la fête de noël. Lors de la distribution des étrennes aux sans-papiers sans-abris, je fus très touchée de ces rencontres, d’entendre des mercis sincères, de voir des yeux tristes brillant de plaisir. Ces sentiments m’ont apporté beaucoup d’énergie positive. Il faut ajouter aussi que Grisha (Grigory Sverdline président de Nochlezhka) est une personnalité unique.
Grisha a une vue de l’ensemble du problème et même si l’on pense que « cela ne marchera pas » Grisha, en quelques mots, nous démontre le contraire et souvent nous dit « tout ira bien si tout le monde accompli correctement ses tâches toujours dans l’intérêt de Nochlezhka et de ses buts : aider les sans-papiers sans-abris.Grisha est une personnalité cool sans moralisme qui ne nous met pas la pression.
La routine empêche de voir les résultats
Voilà cinq ans que je suis à Nochlezhka, deux ans à mi-temps, et depuis trois ans je travaille à plein temps. A Nochlezhka le travail n’est pas dénué de sens mais il arrive parfois qu’il soit ennuyeux. Continuellement il faut remettre le métier sur l’ouvrage. Et aussi face à l’immensité du défi, parfois on a l’impression de ne rien réaliser du tout.
La routine empêche de voir les résultats.
Et pourtant lorsque je rédige le bulletin interne retraçant les activités des deux semaines écoulées, je me rends compte que Nochlezhka accomplit beaucoup. Enormément même si l’on pense à ses faibles moyens économiques. Et puis aussi il suffit d’écouter les récits de nos services sociaux, tous ces cas désespérés qu’ils rencontrent quotidiennement, pour se sentir à nouveau prête pour le combat.
Me retrouver sur le pavé ?
Il m’arrive parfois de penser que moi aussi je pourrais me retrouver sur le pavé. En Russie il n’y a pas de filet social, pas de justice pour les faibles, c’est si facile de sombrer, même malgré soi. Même si j’ai de la peine d’imaginer que ma mère me jetterait à la rue, depuis que je travaille chez Nochlezhka j’ai connu tant de destins brisés par des problèmes familiaux, que malgré ma stabilité actuelle, je ne peux nier que cela peut arriver à tout un chacun.
Sans parler de toutes les arnaques immobilières. Le locataire peut être à la merci d’un propriétaire véreux et tout perdre en quelques minutes.
Face à l’injustice je me mets très vite en colère. Puis le temps passant je prends de la distance et devient même, il me semble, un peu cynique. C’est un sentiment nouveau. Certainement dû à l’environnement auquel je suis confronté, peut-être une façon de me protéger de tant d’injustices ?
Comment est-ce possible que des humains soient traités de la sorte ?
Jamais je n’arrive à cesser de me demander «mais comment est-ce possible que des humains soient traités de la sorte ? » Je n’aimerais pas être à la place de mes collègues des services sociaux qui parfois, faute de solution, de place dans notre centre d’accueil, doivent dire au sans-abri, « revenez un autre jour ».
C’est à en pleurer.
Aucun doute, depuis que je travaille à Nochlezhka je suis devenu plus réaliste. Les espoirs que je projetais sur la vie étaient bien éloignées du quotidien que je côtoie en aidant les laissés pour compte de Saint-Pétersbourg.
Ici nous travaillons pour que des gens puissent simplement survivre.
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