Voyage au bout de la nuit

Il y encore deux ans, deux Bus de Nuit quadrillaient les quartiers nord et sud de Saint-Pétersbourg.

Aujourd’hui, faute de moyens financiers, un seul bus se charge du quartier nord.
Un Ford blanc tout neuf acheté grâce au soutien des citoyens pétersbourgeois, des associations partenaires, ACER Russie (France),  Nochlezhka. Suisse Solidaire (Suisse), Intrepid Travel Foundation (Australie) et également des compagnies « Stork », »Rolf », »Lat » et « ComTrans » de Saint-Pétersbourg.

Le Bus de Nuit a vu le jour il y a neuf ans
Deux fois par semaine un médecin bénévole prend soin des malades. En plus du chauffeur, 3 bénévoles s’occupent de la distribution proprement dite.
Leur tâche: dispenser quotidiennement de la nourriture aux citoyens russes sans-papier et sans-abri de Saint Pétersbourg, apporter un soutien moral et médical aux plus démunis.
Quatre lieux sont visités, ceux de Prospect Slavi, de Ligovo, de l’entrée du cimetière de Smolenskoe et de Tchernaja Retchka.

150 personnes bénéficient quotidiennement de cette aide humanitaire.
Chaque tournée coute 5 280 roubles, soit 150 francs et parcoure une moyenne de 120 kilomètres.
Pour le moment, Nochlezhka ne possède pas les moyens d’acquérir un deuxième bus et ainsi visiter à nouveau tous les anciens arrêts qui s’élevaient au nombre de 7.

L’ONG russe est à la recherche de partenaires et de sponsors qui pourraient soutenir ce projet au cours de la deuxième moitié de 2012.

 Compte rendu de la tournée par le correspondant Радиф Кашапов,  du « The Village»
Le Ford blanc attend à la station du métro Lomonosovskaja, lieu de rendez-vous pour les volontaires. C’est un bus bien aménagé et transporte des thermos militaires et tout le matériel nécessaire à cette distribution.
Les volontaires de ce soir sont les paroissiens de l’église du Sauveur Innascible de la place Koniouchennaja. Plusieurs paroissiens travaillent dans des orphelinats, des hôpitaux ou s’occupent de personnes âgées.

Prospect Slavi
19 heures, les miséreux, à la queue leu-leu, attendent. On leur distribue du pain et du borchtch dans des assiettes jetables. Les sans-abri formulent des demandes, certains discutent, d’autres mangent en silence et détournent la tête. Ils sont polis, presque aucun juron. On peut les interroger, dialoguer, prendre des photos. Pour quelques-uns, c’est l’heure du réveil, ils ont bu toute la nuit ; d’autres encore sont absolument sobres. Plusieurs ont régulièrement mal au ventre : ils se nourrissent des reliquats rencontrés dans les poubelles.
Leur seul repas chaud – c’est celui du bus de nuit.

Entre deux arrêts, le bus fait le plein de provisions dans des bistrots où attendent quelques litres de potage, du pain et des bidons de thé pour l’étape suivante.
« Spasiba, paka, merci, aurevoir »  les infortunés disparaissent dans la nuit.

Arrêt Ligovo
Vladimir a l’air d’un grand-père, il  recherche un rasoir, il veut se débarrasser de sa barbe. Il a 46 ans, on lui en donnerait 15 ans de plus. Les 11 dernières années il les a passées dans la rue. Avant, il était marin.
Maxim, ivre, zigzague en renversant sa soupe. Son employeur l’a licencié. Il a 50 ans et sa chance de trouver un nouvel emploi avoisine le zéro absolu.

Le bus est fréquenté par les sans-papier, sans-abri, mais aussi par des chômeurs. Pas toujours des marginaux. Quelques-uns viennent chercher conseil : où s’adresser pour soigner un mari malade, comment récupérer des papiers d’identité. D’autres encore, ont besoin de chaussures ou d’un inhalateur pour une connaissance asthmatique.

Cimetière Smolenskoe

22 heures, une foule des plus hétéroclites : un homme bien vêtu portant une paire de lunettes et un sac à dos, des femmes à bout de nerfs.
Nikolaj, 53 ans, enfant de parents divorcés. Devenu délinquant, il est arrêté après la fin de sa scolarité. C’en suit l’hôpital psychiatrique et à nouveau la prison. Pendant quelque temps, il a eu un petit négoce et aujourd’hui, il cherche du travail comme soudeur.
Pour d’autres  ce sont des questions plus fondamentales qui les préoccupent :
“Est-ce vrai que l’opération « Bomj » est de nouveau à l’ordre du jour ? Celle où l’on condamne les portes des caves et des greniers et où l’on jette dehors le « locataire  sans-abri». Ceci, alors que le terrible hiver est annoncé.

Tchernaja Retchka
23 heures dernier arrêt près des 2 tentes chauffantes du Service d’aide Maltais. Les Allemands sont très actifs dans le soutien des sans-abri russes.

La diaconie de Hambourg fourni  presque d’un tiers du budget de Nochlezhka, la ville environ 10%.

Il y a 3 tentes chauffantes à Pétersbourg dont une installée par Nochlezhka en collaboration avec le district Admiraltejckij et le soutien financier de diverses ONG dont Nochlezhka Suisse Solidaire.
Cependant 3 tentes pour 30’000 sans-papier, sans-abri c’est des plus insuffisants et à Saint- Pétersbourg.

Chaque hiver, des centaines de  personnes succombent au froid.