Pour Nochlezhka, diverses personnalités russes se sont prêtées au jeu de l’interview ayant comme toile de fond les citoyens russes sans-papier sans-abri.
Aujourd’hui c’est au tour de l’acteur suisse Vincent Pérez qui récemment était de passage à Nochlechka.
Vincent Pérez est connu pour avoir joué dans de très nombreux films tels : Cyrano de Beregerac, la Reine Margot, Indochine, le Bossu ou comme réalisateur pour, en autres, Seul à Berlin, son dernier film.
Nochlechka Suisse Solidaire a rencontré l’acteur à Paris.
Etre acteur est un métier, cela se travaille
NSS : Vincent Perez comment avez-vous connu Nochlezhka ?
Vincent Pérez : Avant tout chose, je ne suis pas seulement acteur mais aussi passionné de photographie. J’ai d’ailleurs fait des études de photographie à Vevey avant de bifurquer sur le métier d’acteur.
Comme toute passion laissée de côté, celle-ci vous revient, un jour ou l’autre frapper à votre porte. J’ai donc recommencé de zéro, faire des portraits. Ma première expo fut à Vladivostok puis à Moscou, le plus loin de Paris. Puis on m’a commandé un travail sur les danseuses du Bolchoï.
NSS : D’où vous vient cette attirance pour la Russie ?
VP: Le déclic avec la Russie fut lorsque j’ai commencé à me renseigner sur le métier d’acteur.
J’étais très admiratif de l’Actors Studio, cette école américaine qui elle même s’était inspirée de l’école russe fondée entre autres par Stanislavski, le dramaturge moscovite. Stanislavski, gigantesque pédagogue travaillant main dans la main avec Tchekhov.
C’est là que je me suis rendu compte qu’être acteur est un métier et que cela se travaillait. Stanislavski m’a entraîné dans un monde du Moscou des années 1900 et il m’a poussé à ce choix très important, devenir acteur.
Tchekhov m’a ouvert les portes de la culture russe
VP: A travers Tchekhov j’ai connu d’autres auteurs russes et suis tombé amoureux de cette culture, du cinéma russe aussi.
Mes premiers films ont eu beaucoup de succès en Russie donc je suis devenu assez connu là-bas. J’ai aussi tourné dans trois films russes mais hélas je ne parle pas russe.
C’est une langue compliquée et je m’abandonne aux interprètes.
J’aime cette sensibilité slave, ce cœur qui bat, j’aime cette folie, j’aime cette phrase de Dostoïevski dite dans l’Idiot « le cœur des russes est aussi vaste que la Russie ».
En Russie j’ai des amis, une sorte de microcosme composé d’amis très fidèles.
A Arles, où j’ai exposé ce travail sur le Bolchoï, avec l’éditrice Vera Michalski nous avons parlé de la Russie et nous nous sommes dit que nous étions fatigués du regard que les Occidentaux avaient sur la Russie.
Nous avons décidé de changer ces stéréotypes à travers un travail photographique et mon premier voyage fut à Saint-Pétersbourg.
J’ai envoyé à mon fixeur un liste des sujets qui m’intéressaient dont un celui des homeless.
Je ne connaissais pas la situation
NSS : Pourquoi les homeless ?
VP: Car je veux ratisser large, avoir un vaste panel de la population.
NSS : Ah, ce fut donc par hasard que vous avez connu Nochlechka
VP: Oui par hasard. Je ne savais pas qu’il y avait un problème spécifique touchant les homeless en Russie.
NSS : Effectivement 80% des sans-abris russes n’ont pas de Propiska et souvent pas de passeport intérieur. De ce fait ils n’ont pas de droit et d’existence administrative.
Nochlechka ne vous en a pas parlé ?
VP: C’est fort possible mais je ne m’en souviens pas.
NSS : Il y a toute une gamme de raisons pour lesquelles on peut perdre sa Propiska. Celle qui concerne Veronika résume bien toute la dimension absurde de l’administration russe.
VP: Je ne savais pas.
NSS : Nochlechka s’occupe des sans-papiers sans-abris, entre autre avec le Bus de Nuit.
VP: Ah oui je devais le prendre mais malheureusement nous avons été pris dans les embouteillages.
Par contre j’ai assisté au mariage de Paul et Natalia, deux sans-abris qui logent à Nochlechka, je les ai photographiés.
Il y a plusieurs Russies, des Russies dans la Russie
NSS : Maintenant que vous en savez un peu plus, que pensez-vous de la réalité des sans-papiers sans abris ?
VP: Je n’ai pas réalisé quand j’étais à Nochlechka que les sans-abris qui y étaient recueillis, que les sans-logis qui sont nourris par le Bus étaient des victimes de l’administration.
Je comprends mieux maintenant la magnitude du problème.
VP: J’imagine que la plus grande partie de l’aide vient de l’étranger ?
NSS : Oui une partie des fonds proviennent de l’Europe. Et l’ONG pétersbourgeoise doit éviter qu’on l’accuse d’être un agent de l’étranger comme cela est déjà arrivé à d’autres ONG russes.
VP: C‘est comme en France, les immigrés qui arrivent sans papier seulement dans le cas qui nous concerne ce sont des Russes habitant la Russie.
Ils ont un nom ?
NSS : On les appelle les Bomzh.
VP: Cela veut dire quoi ?
NSS : Les riens, les sans. Un surnom très péjoratif.
Nochlechka s’occupe aussi de retrouver une identité administrative au sans-papier.
VP: Mais comment font-ils pour les récupérer ?
NSS : C’est un travail de longue haleine menée par les avocats de l’ONG.
Nochlechka dégagent une grande humanité
VP: J’ai été très touché par Nochlechka, les travailleurs dégagent une grande humanité dommage que je n’avais pas percuté dans la traduction l’ampleur du problème.
NSS : Gérard Depardieu est un de vos parents par alliance ?
VP: Oui
NSS : J’imagine qu’il n’était pas au courant de la réalité des sans-papiers en Russie lorsqu’il a déclaré sa flamme au président de ce pays ?
VP: Je pense qu’il y a plusieurs Russies, des Russies dans la Russie. Et pour lui c’est plus que tout une histoire de business. Et je ne crois pas qu’il va se lancer dans le social quand il rencontre Poutine.
Mais c’est vrai que pour lui, Poutine, cela serait très facile de changer cette situation. Et cela changerait son image.
C’est un sujet de roman extraordinaire
NSS : Mais en attendant que pouvez-vous faire pour aider Nochlechka ?
VP: J’ai des contacts en Russie de personnes très fortunées.
NSS : Cela pourrait effectivement être utile, Nochlechka est à la recherche de fond pour son projet de douches mobiles accessibles aux sans-papiers.
Il faut savoir qu’à Saint-Pétersbourg les sans-papiers n’ont pas d’accès aux douches publiques. Savoir aussi que malgré quelques promesses de la part de l’administration pétersbourgeoise quant à mettre à disposition des emplacements pour l’installation, pour l’instant il n’en est rien.
VP: Y-a-t-il en Russie des associations qui organisent des soirées de charité ?
NSS : Nochlechka organisent des soirées, des concerts au bénéfice de l’ONG. En général l’image du sans-abrisme en Russie est négative donc difficile de mettre sur place en sa faveur des actions de charité.
VP: C’est fou, c’est un sujet qui, si on ne le fait pas existé n’existe pas pour les gens. C’est vraiment kafkaïen. C’est un sujet de roman extraordinaire. C’est du Dostoïevski même si c’est facile de le dire puisque l’on parle de Saint-Pétersbourg.
Il y a quelque chose de tout à fait irréel, en plus avec ce sujet de l’identité nationale dans lequel on baigne en France.
VP: Mais revenons à l’aide que je pourrais apporter.
J’ai rencontré l’autre jour une personne très intéressante, elle est en charge de la fondation La Nuit des Neiges et je pense que Nochlechka devrai se présenter. Si elle remporte le prix cela l’aiderait beaucoup.
Cela nous pourrions le faire ensemble.
NSS : Et que pourrions-nous faire de suite, pour les Tentes de la Survie ? Elles sont d’actualité, l’hiver approche.
VP: Envoyez-moi un dossier et je contacterai d’éventuels donateurs. Il y a aussi le directeur de l’Académie de danse de Saint-Pétersbourg, Nikolaï Tsiskaridz, je le connais bien et je pense que nous pourrions faire quelque chose avec lui.
NSS : L’idée est bonne, ce qui est important, connaissant le thème, est de trouver des personnes argentées susceptibles d’y assister.