03-07-2013 commentaires d’un lecteur

La négation de la réalité

 

Chers Membres bonjour,

Le 14 mai dernier NSS écrivait un article dans Nasha Gazeta au sujet des orphelins et leur sort à la sortie de l’établissement.

 

Face à la réalité rencontrée par les orphelins dans les rues de Saint-Pétersbourg, cet article a provoqué diverses réactions, parfois négatives.

 

Comme trop souvent bien des personnes, souvent d’origine russe, nient le problème ou simplement ne veulent pas croire qu’il soit possible en Russie d’être un citoyens russe sans-papiers dans son propre pays.

 

Ce dénis de la réalité est une constante rencontrée tant par Nochlezhka que par NSS. Constante qui ne facilite en rien nos efforts pour améliorer le sort des victimes de la bureaucratie russe.

 

Voilà le commentaire de « Lika-Li » et la réponse de Nochlezhka.

Le Comité.

 

Auteur : Lika-Li

Mr Jaccard est sans aucun doute une personne de cœur et son activité mérite reconnaissance mais il exagère, et c’est peu dire. Grace à mon travail, je connais bien ce problème. Sans aucun doute ce nombre de sans-abri n’existe pas (50000 rien qu’à Pétersbourg, c’est la population de toute une ville suisse). L’histoire des jeunes sortis des orphelinats est absurde. A le croire, ils sont jeté dans la rue sans passeport ni papiers. Balivernes. Tous les jeunes sortent de l’orphelinat muni de profession et de logement.

 

L’Etat ne reste pas indifférent, et, afin de les défendre des malfrats une loi prévoit l’impossibilité de vente ou de détournement de leur logement pour une période de 5 ans. Et les soins d’urgence sont accordés à tous sans aucune exception, y compris les personnes sans papiers, sans enregistrement ou police d’assurance etc. A Pétersbourg, comme dans d’autres villes d’ailleurs, existe une maternité spéciale pour des femmes qui n’ont pas été suivies par un médecin, qui n’ont pas été enregistrées ou sans papiers, y compris des ressortissantes d’Asie centrale qui ne parlent même pas le russe.

 

On n’a aucune raison de croire à ce refus d’accoucher cette femme.

 

Oui, il y a, effectivement des gens qui se trouvent dans une situation difficile en raison d’un vol ou d’une machination effectués par des bandes criminelles, mais ce ne sont que des problèmes provisoires, et il n’est pas difficile de se faire restituer les papiers, il faut juste s’adresser à la police ou aux services de la migration.

 

La plus part de ceux qui logent dans les entrées des maisons ne sont que des personnes dégradées, des asociaux. Nombreux sont ceux qui possèdent un logement à la campagne, parfois même en ville, mais ça leur plait de vivre à la façon des «bomgi (clochards) », de mendier, de voler, de se saouler et de ne pas travailler – ça c’est leur choix. Si les Russes ne leur donnent pas de l’argent, ce n’est pas parce qu’ils sont avares mais parce qu’ils savent de quoi il s’agit.

 

On dirait avoir sous les yeux un article qui parle d’un brave homme dont le but est de faire du bien, mais en évoquant une demi-vérité, en déformant légèrement l’information par des faits qui ne correspondent pas à la réalité, par sa quête d’argent et son exposition sur les malheureux démunis, il cherche à exercer une influence néfaste – c’est ainsi que se forge l’opinion publique. La manipulation de l’information – est un ancien procédé bien connu.

 

Réponse de Vlada Gasnikova ( Nochlezhka)

Bonjour, Lika-Li,

 

Je suis la responsable de la communication avec l’opinion publique de Nochlezhka.

 

Votre commentaire ne reflète pas la réalité de l’existence des sans-abri en Russie, et plus particulièrement à Pétersbourg.

 

Primo, selon les calculs effectués par nos assistants sociaux, le nombre des sans-abri à Pétersbourg s’élève à 60-70 000 personnes. Il est difficile de calculer leur nombre exact car ils ne figurent pas dans les registres des services de statistique et changent souvent d’endroit.

 

Officiellement le nombre des « Bomges –Sans Papier-Sans-Abri » de Pétersbourg ne dépasse pas 3 000 mais il s’agit là des personnes qui ont pu s’enregistrer auprès du Centre municipal d’enregistrement, et tous les habitants de la rue n’ont pas cette possibilité: pour être enregistré il faut être en possession de tout un paquet de papiers et d’attestations délivrés par toutes sortes d’instances, ce qui n’est pas facile même pour une personne qui a un domicile. D’après les gens qui viennent chercher de l’aide auprès de Nochlezhka, ces démarches durent des mois, parfois des années.

 

 

Secundo, selon les données de l’organisation « Les parents de Pétersbourg » (www.otkazniki-spb.ru), 85% des promus des orphelinats et autres institutions similaires deviennent des sans-abris. Souvent, l’état n’attribue pas de logement aux enfants à leur majorité, et ils se retrouvent dans la rue. Parfois, même lorsqu’ils en ont un, ils le perdent : personne ne s’intéresse au destin des ados, ils se retrouvent en mauvaise compagnie, sont manipulés et perdent leur logement.

 

Parfois, un adolescent, au seuil de la vie d’adulte se met à boire ou à se droguer et perd son appartement pour des raisons bien évidentes. La société russe aide volontiers les enfants restés sans parents, mais dès qu’ils deviennent majeurs (à18 ans), les gens ne veulent plus les soutenir – ils sont considérés adultes et capables de subvenir à leurs besoins. Cependant les traumatismes psychologiques liés à leurs situation familiale, à la vie à l’orphelinat, à l’attention excessive qu’ils reçoivent de la part des bénévoles et des sponsors, et qui est remplacée par une totale indifférence que leur porte la société, ne font pas d’eux des personnes capables de prendre d’importantes décisions et la responsabilité de leur propre destin.

 

En ce qui concerne les soins d’urgence accordés aux sans-papiers, sans propiska ou police d’assurance – en effet, selon la loi, chaque personne, avec ou sans papiers, a droit à de tels soins. Cependant, en pratique, laquelle, en Russie, est souvent différente de ce que stipule la loi, c’est justement les sans-abri qui deviennent les victimes des refus d’hospitalisation ou de traitement dans l’hôpital ou la clinique ou ils sont ramenés par l’ambulance.

 

Aujourd’hui, de plus en plus de sans-abris sont au courant de leur droits aux soins et reçoivent leur polices d’assurance obligatoire, et Nochlezhka participe à ce travail d’information. Cependant ce problème n’est pas encore résolu. Nombreux sont les sans-abri qui ignorent leurs droits, et le personnel médical refuse souvent de soigner les sans-papiers.

 

Vous avez aussi tord en disant que la restitution des papiers ne posait pas de problèmes. Plusieurs personnes qui sont hébergées dans notre centre d’accueil (http://www.homeless.ru/projects/697/ ), même aidés par nos assistants sociaux, ont du attendre plus d’une année avant d’obtenir le duplicatat de leurs papiers. Ceci est du à leur situation qui est souvent fort compliquée aussi bien qu’à l’inefficacité des services d’état.

 

Et prenons l’exemple de quelqu’un resté sans papier, sans téléphone, sans argent et sans famille ou amis dans une grande ville où il vient d’arriver dans l’espoir de trouver du travail (en général, c’est justement ce genre de personnes qui deviennent victimes d’arnaqueurs à la gare même), et qui n’a pas d’argent pour payer les taxes d’état et les tampons sur les photos pour le passeport.

 

Ce n’est qu’un exemple des complications qui menacent celui qui n’a pas où aller en cas de malheur.

 

Nous sommes d’accord – parmi les sans-abri on trouve pas mal d’alcooliques de personnes dépravées. Cependant il arrive souvent que c’est justement une fois dans la rue que les gens  se mettent à boire. Parce qu’ils ne trouvent pas de solution, ne comprennent pas ce qui leur arrive, ne savent pas ou aller pour chercher de l’aide, parce qu’ils sont perdu après la trahison de leurs proches, la fourberie des tricheurs, l’expulsion forcée de leur demeure, la fuite de leur pays natal causée par tant de raisons.

 

Selon les données fournies par les formulaires que doivent remplir régulièrement les personnes aidées par Nochlezhka – l’âge moyen des sans-abri est de 40 ans, plus de 70% sont des hommes, 95% sont citoyens de la Fédération de Russie.

 

Leur niveau de formation correspond à l’indice de toute la société russe :

-12%    ont un diplôme universitaire ou plusieurs années d’études universitaires

-44%    ont terminé leurs études secondaires

-16%     ont suivi une école professionnelle

-14%    n’ont pas terminé leurs études secondaires

-5%      ont suivi l’école primaire

-9%      sans aucune formation

 

Parmi les sans-abri ont trouve le même pourcentage de personnes ouvertes au monde ou renfermées sur eux-mêmes, des gens drôles et de très sérieux, des bons et des méchants, ceux qui sont reconnaissants et des égoïstes, des optimistes et des pessimistes. Ce sont les mêmes personnes que vous et moi. La seule différence – c’est que nous avons une maison et eux pas.